Claude Ducarroz

Deux souvenirs et une immense espérance

 

Au début de juillet 1963. Pour la première fois, je me rends à Taizé. Et j’ai la chance de rencontrer personnellement Roger Schütz en compagnie du chanoine Georges Bavaud. Frère Roger vient de rentrer de Rome où il avait été invité pour le «couronnement» du pape Paul VI (30 juin).

Nous parlons longuement dans son bureau privé. Frère Roger est très optimiste pour l’avenir du concile. Il connaît et admire beaucoup le nouveau pape, non sans évoquer ses relations particulièrement affectueuses avec le pape Jean XXIII. Il nous montre avec émotion la médaille que Paul VI lui avait remise personnellement. Sur la cheminée, la Bible avec une icône de Marie. Et soudain frère Roger nous invite à prier avec lui…à genoux. Toute son espérance œcuménique plonge alors dans sa prière. Il nous embrasse en nous disant au revoir. Une expérience qui m’a définitivement converti à l’œcuménisme.

Fin de l’année 1980. La troisième «Rencontre internationale des jeunes» – jadis appelée «Concile des jeunes»- se déroule à Rome. Comme aumônier de jeunesse pour le canton de Fribourg, je prends part à ce rassemblement avec de nombreux jeunes de Suisse romande. Une veillée de prière dans le «style Taizé» se déroule dans la basilique Saint Pierre remplie de milliers de jeunes venus de partout. A la fin de la liturgie, frère Roger prend la parole avec sa voix à la fois douce et profonde. Il s’engage très loin. Il confesse qu’il a réconcilié en lui la tradition réformée venue de sa famille et la communion avec l’Eglise catholique. Suivent alors des paroles très cordiales et sans ambiguïté sur le ministère du pape qu’il apprécie pleinement. Une belle émotion œcuménique à Saint Pierre de Rome!

Avec des questions évidemment. Frère Roger, à titre personnel, a écrit en pointillé, au-delà des Eglises encore trop confessionnelles, une parabole d’unité sans rupture avec ces Eglises. Mais son charisme exceptionnel les pousse prophétiquement au-delà d’elles mêmes, jusqu’à une communion déjà possible même si elle n’est pas encore parfaite. Les frères de Taizé en constituent la traduction communautaire, dans le respect des diverses personnalités spirituelles qui la composent.

Comme dans la parabole du semeur dans l’évangile, l’humble semence œcuménique de Taizé tombe dans des terrains variables qui vont de l’accueil à la résistance. Parce qu’elle est arrosée de prière et plantée dans un terreau communautaire exigeant, je suis sûr que cette petite pousse d’unité a encore un bel avenir pascal dans notre actualité d’Eglise.

Frère Roger n’a pas vécu, écrit, prié, accueilli et finalement donné sa vie pour rien.

Claude Ducarroz, 21 mai 2015

Frère Roger | © Communauté de Taizé
21 mai 2015 | 18:58
par Claude Ducarroz
Temps de lecture: env. 2 min.
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