Bernard Litzler

Le son de l’Arménie

Bernard Litzler

Avez-vous déjà entendu le duduk? Ce hautbois arménien vous arrache l’âme. Sons graves et profonds dont jouent excellemment les musiciens arméniens, mélodies langoureuses, timbres chauds et doux qui disent la nostalgie, l’exil et l’amour du pays. Le duduk touche, émeut, vous transporte.

Ecoutez le duduk. Il vous dira l’Arménie. Celle d’aujourd’hui, celle d’hier aussi. Car l’Arménie, premier Etat chrétien au monde, est un pays au peuple éclaté, martyrisé, dispersé. Les Arméniens sont enfants du monde. Premiers citoyens du Ciel, christianisés très tôt, ils ont été, au fil d’une histoire tourmentée, les premiers à succomber à un génocide programmé, au début du XXe siècle. Ce massacre à grande échelle est commémoré spécialement ces jours-ci. Tragédie immense, deuil incommensurable et oublié dans les tourments d’un conflit mondial, tueries et déportations qui ont touché toutes les couches de la population.

La Turquie moderne, fille de l’Empire ottoman, a sans conteste posé ses fondations sur le massacre d’un peuple. Arméniens, ils étaient présents sur le territoire qui va de la mer Caspienne à la mer Méditerranée, soit de l’Iran actuel à la Syrie. Ils étaient, surtout, différents, donc gênants. Leur élimination a servi de terreau au nationalisme turc. Aujourd’hui, la Turquie reste donc peu disposée à reconnaître les errements de ses ancêtres. Même si elle sortirait grandie d’un aveu dont le pape lui-même s’est fait l’avocat.

Mais qu’il est difficile de reconnaître l’organisation d’un génocide! Pas de «Nuremberg» contre la Turquie, pas de tribunal comme à Arusha (pour les massacres du Rwanda), pas de TPI de La Haye comme pour les Balkans: seul le combat des Arméniens fait bouger les lignes. Petit à petit, l’existence du génocide s’impose. La reconnaissance finira par s’imposer, à n’en pas douter. Cependant le chemin reste long, très long.

Reste le duduk, comme un chant d’espoir, comme une communion avec les disparus, un souvenir indélébile. Ses mélopées langoureuses vous révèlent la chaleur d’un peuple qu’on a voulu anéantir. La musique dit la vie. Ecoutez le duduk.

Arménie (photo Bernard Litzler)
23 avril 2015 | 16:33
par Bernard Litzler
Temps de lecture: env. 1 min.
Arménie (101)
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