Guy Musy

L'Evangile de dimanche: Paroles scandaleuses

Jn 6, 60-69

Le sixième chapitre de l’évangile de Jean débute en fanfare, avec tambours et trompettes. Mais il s’achève en affligeante débandade. Au départ, une foule enthousiaste veut introniser un roi qui lui donne de quoi manger sans qu’elle n’ait rien à payer. A la fin, une immense déconvenue. Erreur de casting. Cet homme n’est qu’un faussaire ou un illusionniste. Il n’a rien à donner. Si ce n’est des mots creux où il est question d’un «pain descendu du ciel». Alors que nous attendons du vrai pain sorti tout frais du four du boulanger. Quelques semaines encore, et cette même foule, toujours aussi désabusée, criera à Pilate: «Supprime-nous ce roi de pacotille; il nous fait honte. En fait de roi, nous n’en voulons pas d’autre que César. Lui, au moins, nous donne du pain et…des jeux.»

Que s’est-il donc passé pour expliquer cette amère déconvenue? Rien, si ce n’est un long discours de Jésus dont les mots sonnent comme des pierres dures à avaler. Littéralement, ce sont des paroles sclérosées, pétrifiées, comme ces cailloux sur le chemin qui font tomber. C’est le sens exact du mot «scandale» utilisé dans notre texte. Des paroles «scandaleuses» qui ne se mangent pas au petit déjeuner entre beurre et confiture. Qu’ont-elles de si indigeste?

Elles sont d’abord étranges et même étrangères. Elles ont trait à un «ailleurs» fort éloigné de nos perceptions habituelles et de nos manières ordinaires d’agir et de penser. Jésus parle d’une «vie éternelle» dont il serait lui-même la substance ou le pain. Une vie plus intense et surtout plus longue que…la vie! Comment y croire, à moins que le Père et l’Esprit ne s’en mêlent ? La foi en Jésus demeure un don immérité. Quoique…

Un don qui appelle tout de même notre concours. Car le don de la foi s’accompagne parfois du questionnement du doute et même des ténèbres de la nuit obscure. Le croyant doit aussi faire face au dénigrement et aux agressions de son entourage. Celui qui veut croire doit donc s’accrocher ferme à la personne de Jésus, sur qui il a tout misé. Sur ce chemin, Pierre nous sert de guide.

«A qui irions-nous?», s’interroge cet Apôtre à la fois touchant et désemparé. Alors qu’autour de lui amis et compagnons décrochent l’un après l’autres et, sur la pointe des pieds, se retirent de la suite de Jésus. Mais Pierre veut encore y croire. Même s’il reste seul contre tous. Son salut est le fruit de sa foi tenace et persévérante.

Alors, direz-vous, croire est une affaire d’obstination irrationnelle? Ou une routine dont il serait bien imprudent de se débarrasser quand l’âge vient et que la mort frappe au portillon?

Non. La vie éternelle ne se gagne pas comme un bon coup de poker. Pierre, solitaire dans son choix, ne décide pas de croire sur un coup de tête. Ou pour s’aligner sur une convention sociale. Il n’aurait pu dire à Jésus «Tu as les paroles de la vie éternelle», s’il n’avait longuement cheminé avec lui. S’il n’avait appris à lui faire confiance dans les bons et mauvais jours. En un mot, s’il n’avait appris à l’aimer.

Un jour, il allait le lui répéter à trois reprises: «Seigneur, tu sais bien que je t’aime!». Seul l’amour conduit à la foi!

Statue de Saint Pierre (v1440-1460), église de Dainville (Musée d'Arras, France)
21 août 2015 | 16:07
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 2 min.
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