Les religions en Chine sont dans le collimateur des autorités (Photo d'illustration: Birger Hoppe/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0)
International

Chine: Le Bureau des Affaires religieuses dans le collimateur du Parti

L’Administration d’Etat pour les Affaires religieuses (AEAR) de Chine, ex-Bureau des Affaires religieuses, a récemment été critiquée par la commission «anti-corruption» du Parti communiste pour son «manque de surveillance». La manœuvre augure d’un durcissement supplémentaire du contrôle des religions dans le pays.

L’AEAR «manque d’autorité, ne surveille pas assez étroitement les groupes religieux et n’applique pas correctement la politique religieuse du Parti communiste», estime la Commission centrale pour l’inspection de la discipline du Parti (CCIDP).

L’AEAR est la dernière instance à subir le douloureux examen de l’organe interne au Parti chargé de l’application des règles et de la lutte contre la corruption, rapporte le 20 juin 2016 Eglises d’Asie (EdA), l’agence d’information des Missions Etrangères de Paris. Peu après son arrivée au pouvoir en 2012, le président chinois Xi Jinping a lancé une vaste campagne «anti-corruption». Elle est perçue à la fois comme un moyen de restaurer la réputation du Parti communiste, entachée par des scandales, et comme un moyen pour le président d’éliminer des factions rivales.

D’autres départements et ministères chinois ont été critiqués pour des dépenses injustifiées ou leur manque d’enthousiasme à appliquer la politique du Parti.

Une direction «trop faible»

L’AEAR est en charge des cinq religions reconnues en Chine: le bouddhisme, le taoïsme, le catholicisme, le protestantisme et l’islam. La Commission de discipline a remis son rapport à l’AEAR le 6 juin dernier, l’enjoignant à résoudre les problèmes listés dans le document. Le directeur des Affaires religieuses, Wang Zuoan, a indiqué que son administration acceptait sincèrement les remarques formulées et allait mettre en place un bureau chargé spécifiquement de remédier aux problèmes cités.

Le rapport est le résultat de deux mois d’enquête, d’analyse de documents et d’interrogatoires au sein de l’administration. Il reproche à l’AEAR, en premier lieu, son manque d’autorité: à cause d’une direction «trop faible», la politique religieuse du Parti n’est pas appliquée correctement, note le document. Il remarque ensuite un manque d’attention portée aux groupes religieux du pays, qui ne seraient pas assez contrôlés. Le rapport souligne en outre la violation des règles en matière d’emploi, avec le recrutement de proches de cadres de l’Administration, et des abus de biens sociaux.

En septembre 2015 déjà, Zhang Lebin, directeur adjoint de l’AEAR, avait été accusé par la CCIDP de graves violations de la discipline du Parti communiste chinois. Il avait été exclu du Parti en janvier 2016. C’était le premier responsable de haut niveau des Affaires religieuses à être touché par la campagne anti-corruption lancée en 2013. Début 2015, 32 responsables des Affaires religieuses avaient été exclus pour avoir accepté des pots-de-vin de la part de musulmans pour une place au pèlerinage de La Mecque (les départs pour le pèlerinage sont l’objet de contingents).

«Sinisation» des religions

«Il n’est pas vraiment question de lutte contre la corruption. Il est dit explicitement que le contrôle des groupes religieux est insuffisant», analyse un prêtre chinois cité anonymement par l’agence d’information catholique asiatique Ucanews. «On peut donc s’attendre à un resserrement du contrôle des religions, puisque ce sera un moyen pour les cadres d’obtenir des promotions», souligne-t-il.

La politique religieuse officielle a été réaffirmée en avril dernier, lors d’une grande conférence sur les religions. «Nous devons guider et éduquer les cercles religieux et leurs adeptes aux valeurs socialistes fondamentales», avait alors déclaré le président chinois. Les groupes religieux doivent «interpréter leurs doctrines religieuses d’une manière qui soit propice au progrès de la Chine moderne et cohérente avec l’excellence de notre culture traditionnelle», avait poursuivi Xi Jinping. Développant un couplet familier, le président avait lancé: «Nous devons résolument nous garder de toute infiltration étrangère menée au nom de la religion et nous prémunir contre toute incursion idéologique de la part des extrémistes». (cath.ch-apic/eda/rz)

Les religions en Chine sont dans le collimateur des autorités (Photo d'illustration: Birger Hoppe/Flickr/CC BY-NC-ND 2.0)
20 juin 2016 | 16:05
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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