Le dominicain Jean-Michel Poffet craint un embrasement en Terre Sainte

Fribourg/Jérusalem, 13.10.2015 (cath.ch-apic) «On risque à tout moment l’embrasement, car les Palestiniens sont arrivés à un tel stade de désespoir qu’ils sont prêts à tout… C’est la fin de tous les espoirs suscités par les Accords d’Oslo du 13 septembre 1993. Plus personne n’y croit: il y a déjà au moins dix ans qu’ils sont morts et des deux côtés, il n’y a plus aucune confiance!», lâche le dominicain fribourgeois Jean-Michel Poffet.

Interrogé le 13 octobre 2015 par cath-ch, l’ancien directeur de l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem – de 1999 à 2008 – ne cache pas ses craintes: «Netanyahou est prisonnier des colons d’extrême-droite qui s’implantent dans les territoires palestiniens. Il a toujours détesté le président Obama, qui n’a rien pu faire pour hâter le processus de paix, bloqué qu’il est par les responsables républicains qui soutiennent la politique israélienne».

Le religieux dominicain, qui suit attentivement les développements en Israël et dans les territoires occupés, relève que la colonisation avance inexorablement: «Les colons israéliens sont déjà entre 500’000 et 600’000, ôtant tout espoir que les Palestiniens puissent un jour former un Etat viable. Que va-t-il rester aux Palestiniens?»

Du côté israélien, note-t-il, il n’y a certainement pas le désir d’en arriver à une troisième «intifada», car le coût serait très élevé. Du côté palestinien, les responsables savent que si la situation s’enflamme, «ils vont encore perdre davantage». D’autant plus que la situation dramatique en Syrie, mais également en Irak et en Turquie, risque de faire oublier ce conflit qui s’éternise depuis des décennies.

La possibilité de créer un Etat palestinien réduite à néant

Pour le Père Poffet, la poursuite de la colonisation risque de réduire à néant la possibilité de créer un Etat palestinien dans les territoires occupés, qui sont totalement fragmentés par les colonies. «Les Israéliens se refusent de toute façon à évacuer la vallée du Jourdain. La solution serait que tous – Israéliens et Palestiniens – puissent vivre avec les mêmes droits dans un même Etat, mais ce serait la fin du sionisme, alors que le gouvernement israélien définit Israël comme un Etat juif…»

La veille, Ryad al-Malki, ministre palestinien des Affaires étrangères, avait accusé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou de chercher à provoquer une troisième «intifada», notamment en brisant le «statu quo» sur l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, considéré par les musulmans comme le troisième lieu saint de l’islam. Il a transformé le conflit politique limité avec les Palestiniens en conflit religieux «avec les musulmans dans le monde entier».

Alors que les Palestiniens avaient déclaré ce mardi 13 octobre «Journée de colère» et que les attaques anti-israéliennes à l’arme blanche ont déjà fait plusieurs morts à Jérusalem et à Raanana, au nord de Tel-Aviv, les forces de police et l’armée israélienne ripostent durement. Depuis dix jours, les violences ont fait sept morts côté israélien et plus de 25 côté palestinien. JB

 


Encadré

Mgr Giuseppe Lazzarotto: abattre les murs de la défiance et de l’hostilité

Evoquant la violence qui se déchaîne actuellement dans le pays, Mgr Giuseppe Lazzarotto, nonce apostolique en Israël et délégué pour Jérusalem et les Territoires palestiniens, relève que «ce qui est en train de se passer en Terre Sainte est préoccupant, et nous angoisse tous».

Personne ne peut rester indifférent face à des actes de violence répétés et à la perte de vies humaines, confie-t-il au média en ligne du Patriarcat latin de Jérusalem. «Les récentes paroles du Saint Père, sur la situation en Terre Sainte, et son appel à reprendre le chemin du dialogue, n’expriment pas seulement son inquiétude, mais font écho aux sentiments de tous ceux qui, ici et ailleurs, s’engagent avec sincérité et générosité à construire la paix. Leur voix n’est pas écoutée comme elle le devrait, et leurs efforts sont trop souvent ignorés».

Le nonce apostolique estime qu’il est nécessaire, avant toute chose, de trouver le moyen de rétablir sur le terrain un climat de confiance réciproque. «Si on n’arrive pas à abattre les murs de la défiance et de l’hostilité, toutes les initiatives seront inefficaces et malheureusement destinées à échouer, comme nous l’avons constaté, encore récemment. Je crois que c’est cela que le pape veut dire lorsqu’il nous dit que pour atteindre la paix, il faut des gestes courageux, qui aillent au-delà des intérêts immédiats des individus et des groupes». (apic/lpj/be)

Le patriarche latin émérite de Jérusalem Michel Sabbah avec le Père dominicain fribourgeois Jean-Michel Poffet
13 octobre 2015 | 17:25
par Jacques Berset
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