Monde: La souveraineté alimentaire devrait être un droit constitutionnel

Les remèdes de l’Action chrétienne agricole romande contre la faim

Belfaux/Fribourg, 24 mars 2012 (Apic) L’Action chrétienne agricole romande (ACAR) a réuni, le 22 mars 2012 à Belfaux, plus d’une trentaine de personnes autour de la question de la souveraineté alimentaire. Selon les responsables de l’ACAR, une inscription de cette souveraineté dans les Constitutions nationales devrait sauver l’agriculture et résoudre les problèmes de la faim dans le monde.

«Comment se fait-il que des gens meurent de faim encore aujourd’hui, alors que le droit à l’alimentation fait partie de la Déclaration universelle des droits humains depuis 1948? Pourquoi un milliard de personnes souffrent encore de faim et de malnutrition et 70% d’entre elles sont issues du monde agricole?» C’est avec ces interrogations que l’abbé Henri Mauron, aumônier de l’ACAR, a ouvert les discussions de la soirée sur le thème «Le droit à l’alimentation passe par la souveraineté alimentaire». Réunis à la salle paroissiale de Belfaux, à l’occasion de la «Journée mondiale de l’eau», plus d’une trentaine d’agriculteurs, d’agents pastoraux, de membres de partis politiques et de curieux ont participé à un débat sur la question.

Pour une agriculture viable

Selon Cécile Mettraux, coordinatrice de l’ACAR pour le canton de Fribourg, la souveraineté alimentaire se définit comme le droit international. Ce droit laisse la possibilité aux pays ou aux groupes de pays de mettre en place des politiques agricoles, les mieux adaptées possibles à leurs populations, sans qu’elles puissent avoir un impact négatif sur les habitants d’autres nations. En d’autres termes, c’est le droit d’une population à définir une politique agricole et alimentaire, sans dumping des prix vis-à-vis de pays tiers. Elle implique alors des critères minimaux à remplir.

La «Via Campesina», mouvement international qui regroupe 150 organisations paysannes de 70 pays, relève quinze critères pour une souveraineté alimentaire. Parmi eux, la priorité à la production agricole locale pour nourrir la population, l’accès des paysans à la terre, à l’eau, aux semences et aux crédits. La souveraineté alimentaire implique aussi le droit des paysans à produire des aliments, mais aussi celui des consommateurs à pouvoir décider de ce qu’ils veulent consommer. Elle prône des prix agricoles liés aux coûts de production et la participation des populations aux choix des politiques agraires.

Ces critères promeuvent, selon Cécile Mettraux, une agriculture économiquement, socialement et écologiquement durable. «La souveraineté alimentaire est le remède aux crises socio-économiques provoquées par le pouvoir de l’argent, la spéculation financière, les conflits armés, l’accaparement des terres et le contrôle des semences par les firmes internationales», a-t-elle précisé.

Inscription dans la Constitution

De son côté Max Fragnière, président d’Uniterre-Fribourg, a rappelé que la souveraineté alimentaire ne signifie pas protectionnisme agricole, mais elle donne la priorité aux productions locales. «Aujourd’hui, on signe des accords internationaux sur les produits agricoles et on ne tient pas compte de nos producteurs nationaux. Nous déplorons, de nos jours, beaucoup d’accidents, de maladies, de dépressions et même de divorces dans les familles paysannes à cause des difficultés qu’entraînent ces accords, qui ne tiennent pas compte de la réalité des agriculteurs», a-t-il regretté. Pour le syndicaliste, avec la souveraineté alimentaire, le consommateur est sûr de ce qu’il mange et peut suivre la chaîne de production. C’est aussi une manière d’éviter la mainmise scandaleuse des multinationales sur les semences.

«Inscrire ce droit dans les Constitutions nationales est un atout indéniable pour les producteurs ainsi que pour les consommateurs en Suisse comme dans le monde. La Suisse peut ainsi donner l’exemple et être pionnière de la souveraineté alimentaire. Ce qui peut faire évoluer la situation dans beaucoup de pays», ont souhaité les membres de l’ACAR. Enfin, ils ont jugé incomplète l’initiative parlementaire sur la souveraineté alimentaire, déposée en 2008 par le conseiller national libéral-radical Jacques Bourgeois. Ils ont proposé qu’elle intègre tous les critères minimaux de la «Via Campesina».

Les participants à cette soirée ont, en outre, souligné l’importance d’une prise de conscience des consommateurs, dont le comportement alimentaire peut entraîner des changements de politiques commerciales des grands distributeurs. Ils ont invité les uns et les autres à boycotter les denrées importées de loin, à consommer des produits de saison, ainsi qu’à profiter de la vente directe à la ferme.

Les membres de l’ACAR projettent d’autres soirées d’information dans le canton dans les mois à venir.

Encadré

Un concept opposé à l’économie néo-libérale

La question de la souveraineté alimentaire remonte aux années septante, a rappelé Madeleine Rossier, secrétaire cantonale de l’ACAR. A travers les analyses des situations des paysans au sein de la Fédération internationale des mouvements d’adultes ruraux catholiques (FIMARC), l’ACAR a porté un regard critique sur la surproduction, sur la malnutrition, ainsi que sur les effets pervers des politiques des institutions financières, comme le Fond monétaire international (FMI) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC). «Nous nous sommes posés la question de savoir comment nous sommes passés d’une agriculture paysanne à l’agriculture agro-industrielle d’aujourd’hui», a-t-elle rappelé.

C’est à partir de 1993 que la «Via Campesina» a développé le concept de la souveraineté alimentaire. Elle l’a présenté en 1996 à l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à Rome. «Ce concept nous paraît à la fois très proche et opposé à l’économie néolibérale», a constaté Madeleine Rossier.

En 2009-201, devant l’extrême pauvreté dans le monde, la «Via Campésina» a demandé au Forum social de l’ONU que la souveraineté alimentaire soit reconnue comme un droit dans tous les pays. Elle permet de mieux résoudre les problèmes du monde paysan, mais aussi ceux de la faim et de l’exode rural. Plus d’infos: www.viacampesina.org ou www.uniterre.ch (apic/ea/nd)

24 mars 2012 | 18:18
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 4 min.
Fribourg (589)
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