Le décor du choeur de l'église de la Trinité, à Berne, évoque l'Esprit-Saint et les flammes de la Pentecôte | © Maurice Page
Suisse

Barbara Francey: «La force de la Pentecôte arrache les hommes à la peur»

Célébrée cinquante jours après Pâques, la Pentecôte rappelle l’envoi de l’Esprit-Saint sur les apôtres. Elle conclut officiellement le temps pascal et donne à l’Église sa mission: annoncer la bonne nouvelle de la résurrection du Christ à toutes les nations. Elle est fêtée cette année le 4 juin.

Le récit de la Pentecôte au chapitre 2 des Actes des apôtres est particulièrement riche en signes et en symboles. Le bruit, le vent, les langues de feu, le don des langues laissent déconcertés et perplexes les témoins de l’événement. «Qu’est-ce que cela veut dire», s’interrogent-ils. La théologienne Barbara Francey, collaboratrice de l’Accompagnement et Formation en Pastorale (AFP) du canton de Fribourg apporte pour cath.ch quelques éléments de compréhension sur le don des langues et de la mission de l’Eglise dans le monde.

«L’homme veut construire une tour si haute qu’elle atteigne le ciel»

Les biblistes parlent volontiers de la Pentecôte comme de l’anti-Babel. L’événement des Actes des Apôtres répond ainsi au récit de la Genèse (11).
Barbara Francey:
L’épisode biblique de la construction de la tour de Babel a un côté nettement totalitaire. L’homme, dans son orgueil, vise à franchir la limite qui le sépare de Dieu. Il veut construire une tour si haute qu’elle atteigne le ciel. Il tombe alors dans la démesure, l’hubris‘ des Grecs anciens. Si on reste dans le cadre biblique, on retrouve aussi ce même état d’esprit chez Pharaon qui opprime le peuple hébreu.

La Tour de Babel du peintre flamand Hendrik III van Cleve (1525-1589)

Selon le récit biblique, la séparation des langues apparaît alors comme le châtiment de Dieu face à l’orgueil humain.
La variété des langues n’est pas forcément uniquement négative. La Pentecôte est l’anti-Babel dans la mesure où la venue de l’Esprit-Saint permet de restaurer la capacité des hommes à se comprendre. Tous ne parlent pas la même langue mais chacun entend les apôtres dans sa langue maternelle. Le miracle n’est pas celui de l’uniformité comme à Babel, mais celui de la communion, dans la diversité des langues. Entendre quelque chose dans sa propre langue revêt une importance capitale. C’est la langue maternelle, c’est-à-dire la langue que l’on a appris de sa mère. On la comprend pour ainsi dire avec ses tripes. L’Eglise jusqu’à nos jours vit de cette parole, de cette présence de l’Esprit-Saint envoyé par Dieu.

«La Pentecôte est la fête de la mission en actes»

Depuis la résurrection et jusqu’à la Pentecôte, les apôtres et les disciples se cachaient. Tout à coup ils sortent sur les places publiques. «Prêtez l’oreille à mes paroles. Ecoutez ce qui se passe», dit Pierre.
La force de la Pentecôte arrache les hommes à la peur. Elle les pousse à sortir de soi, à laisser sortir la Parole, à aller à la rencontre du Christ ressuscité. En ce sens, on peut dire que la Pentecôte est la naissance de l’Eglise. La diversité des peuples cités dans les Actes des apôtres souligne que l’Eglise doit s’étendre jusqu’aux extrémités de la terre, mais aussi qu’elle est appelée à rejoindre les gens là où ils sont, sans faire de tri préalable. C’est en ce sens que le pape François parle des périphéries. Elles peuvent être géographiques ou sociales, mais aussi culturelles et spirituelles. Il faut cependant toujours garder à l’esprit que celui qui est au centre c’est le Christ, pas l’Eglise.

Pentecôte et mission sont ainsi intimement liés.
La Pentecôte est la fête de la mission en actes. L’Eglise est appelée dans de nombreux lieux les plus divers. La force de l’Esprit permet de réaliser la mission de Jésus. Même les persécutions, qui surviendront très vite après la Pentecôte, sont l’occasion d’aller plus loin. On ne peut pas enfermer la Parole.

Dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, les adultes seront confirmés le jour de la Pentecôte, à Yverdon. Vous avez accompagné quelques-uns d’entre eux sur ce chemin vers la confirmation.
En préparant quelques-uns des adultes j’ai ressenti une réelle soif de vie chrétienne et une volonté de témoignage. Les motivations sont assez diverses. Certains cherchent des racines, d’autres veulent avoir une pleine communion avec l’Eglise, d’autres encore demandent la confirmation dans la perspective de leur mariage. Le chemin de foi est plus ou moins profond, mais seul Dieu voit le fond des cœurs. Dans tous les cas, ces gens se sont mis en route, comme le firent les disciples le jour de la Pentecôte. (cath.ch/mp)


La Pentecôte est la fête de la communion humaine

Dans son homélie pour la fête de la Pentecôte en 2012 le pape Benoît XVI tirait un parallèle entre le mystère de la Pentecôte et le monde contemporain Extrait:

«La Pentecôte est la fête de l’union, de la compréhension et de la communion humaine. Nous pouvons tous constater que dans notre monde, alors même que nous sommes toujours plus proches les uns les autres avec le développement des moyens de communication et que les distances géographiques semblent disparaître, la compréhension et la communion entre les personnes est souvent superficielle et difficile. Il demeure des déséquilibres qui conduisent assez souvent au conflit; le dialogue entre les générations devient difficile et parfois l’affrontement prévaut; nous assistons à des événements quotidiens où il semble que les hommes deviennent plus agressifs et plus méfiants; se comprendre les uns les autres semble demander trop d’efforts, et on préfère rester dans son propre ‘moi’, dans ses propres intérêts. Dans ce contexte, pouvons-nous trouver véritablement et vivre cette unité dont nous avons besoin?»


 

La Pentecôte du Greco

La Pentecôte, un des chefs-d’œuvre du peintre espagnol El Greco, conservé au musée national du Prado à Madrid, a été présentée exceptionnellement à Grenoble en été 2016. Ce bref clip vidéo permet de l’admirer de près.


Le lundi de Pentecôte

Le lundi de Pentecôte, comme le lundi de Pâques, n’a pas de signification en rapport avec la Bible. Ces deux jours sont pourtant restés fériés dans la plupart des pays occidentaux. Cela remonte au fait que sous l’ancien régime, tout la semaine(octave) qui suivait la Pentecôte était fériée. Le Concordat de 1801, en France, a réduit le caractère férié au seul Lundi de Pentecôte.

Jusqu’au concile Vatican II, le lundi de Pentecôte était une «fête d’obligation» pour les catholiques. L’Église s’adressait spécialement ce jour-là aux nouveaux baptisés et confirmés. Depuis cette date, le lundi de Pentecôte n’est plus solennisé mais est resté férié. Des voix se sont fait entendre, notamment en France, pour ‘céder’ ce jour férié à une autre religion. (cath.ch/mp)

Le décor du choeur de l'église de la Trinité, à Berne, évoque l'Esprit-Saint et les flammes de la Pentecôte | © Maurice Page
1 juin 2017 | 09:01
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 5 min.
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