Des cellules clandestines de Daech, l'Etat islamique, sont toujours actives en Syrie et en Irak | Thierry Ehrmann/Flickr/CC BY 2.0
International

Recrutement de Daech: l'Etat contre-attaque

Paris, 08.10.2015 (cath.ch-apic) Le gouvernement français a lancé le 7 octobre 2015 une série de spots télévisés destinés à dissuader les jeunes de partir pour le djihad au Moyen-Orient. Forts d’une connaissance de plus en plus aiguë des stratégies de recrutement de l’Etat islamique (EI), en particulier sur internet, les pouvoirs publics organisent la contre-attaque.

Dans les spots désormais visibles sur plus d’une vingtaine de grandes chaînes de télévision françaises et de réseaux sociaux, quatre familles, dont des membres sont partis faire le djihad, témoignent de leur détresse. Les témoignages renvoient à un numéro vert de signalement des candidats à la «guerre sainte», créé par le ministère français de l’Intérieur.

Le Premier ministre Manuel Valls a récemment parlé de plus de 1’300 individus concernés, en France, par les filières djihadistes. Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, avant le lancement de la campagne télévisée, a indiqué que le gouvernement voulait faire entendre un «contre-discours». Les pouvoirs publics prévoient également de créer un réseau d’entraide psychologique parental, afin de progresser sur le terrain de la prévention.

Se battre avec les mêmes armes que Daech

En Suisse également, la lutte contre l’embrigadement avance. Mathilde Chevée, spécialiste genevoise du marketing, développe une nouvelle application pour lutter contre le djihad. Dans le quotidien romand «Le Temps» du 8 octobre, elle décrypte les méthodes technologiques que Daech utilise pour endoctriner. Mathilde Chevée est en effet arrivée à la conclusion qu’il fallait combattre la propagande de l’Etat Islamique avec les mêmes armes technologiques que ce dernier. Elle souligne qu’il s’agit adapter cette technologie aux besoins et aux valeurs des jeunes. «Les adolescents en situation à risque veulent être des héros, sur un mode à la fois fun et protecteur. Il s’agit donc de créer des applis qui fassent des ados des héros solidaires et engagés, avec une dimension ludique», explique-t-elle.

Théories du complot en soutien

C’est exactement ce que fait Daech (l’Etat islamique selon son acronyme arabe). La spécialiste en marketing relève que la technologie marketing du groupe sunnite est excellente. L’EI dispose certainement de «community managers» qui cherchent les cibles avec des mots-clés, tels «infirmière, éducateur, projet humanitaire, injustices, publicités mensongères, abus des pharmas, OGM», des thèmes qui mobilisent les jeunes. Ils envoient alors sur les sites qui traitent de ces thèmes des vidéos autour du sujet «le monde est pourri». Ensuite, les «community managers» pénètrent les réseaux sociaux, animent les différentes communautés et réconfortent leurs membres, sur le mode «tu as raison, tu as compris l’enjeu». Ils jouent sur le biais de perspectives propres à l’adolescent en construction d’identité. Puis ils avancent les théories du complot – Franc-maçons, monde politique pourri – dans le but de lui faire croire qu’il fait partie des élus. Flatté, le jeune accède alors à un statut. C’est à ce stade qu’entre en jeu la diffusion d’idéologies extrémistes. On lui dit: «Si tu fais partie du clan, il s’agit que tu te comportes comme ceci».

Familles non-musulmanes aussi ciblées

Mathilde Chevée explique que la méthode est pareille à celle d’une secte, notamment dans la phase où on fait croire au jeune qu’il détient la vérité contre le reste du monde. Le jeune se dissocie alors de son environnement. Son identité propre disparaît, il s’efface derrière cette nouvelle communauté. Agir à ce stade, c’est trop tard, avertit la spécialiste en marketing.

Elle remarque que les vidéos produites par Daech sont d’excellente facture, employant notamment les codes culturels de la jeunesse.

L’experte genevoise note par ailleurs que les familles catholiques et bourgeoises sont tout autant touchées que les familles musulmanes, soulignant que ce n’est pas l’islam que Daech vend en premier, mais «du sens et de la responsabilisation».

«Nous devons toucher les jeunes connectés, créer des applications, et leur montrer que la vie est belle. Les Etats devraient engager des ‘community managers’ qui fassent passer ce message», conclut Mathilde Chevée. (apic/ag/lt/rz)

Des cellules clandestines de Daech, l'Etat islamique, sont toujours actives en Syrie et en Irak | Thierry Ehrmann/Flickr/CC BY 2.0
8 octobre 2015 | 16:32
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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