Un garde suisse dans les palais du Vatican | © Jacques Berset
Vatican

Le Vatican insolite: l’uniforme néo-Renaissance de la Garde suisse    

Au Vatican, la tendance est à la simplification. Voici quelques décennies que l’usage de la cappa magna des évêques et de la tiare papale a disparu. Seul le folklore de la Garde suisse pontificale semble perdurer: nombre de touristes photographient les pittoresques soldats en poste avec leur hallebarde et leur pantalon bouffant à rayures. Si la Garde suisse est née au tout début du 16e siècle, l’uniforme actuel des soldats du pape ne date en fait que de 1914 et, contrairement aux idées reçues, n’a pas été dessiné par Michel-Ange mais inspiré par Raphaël.

«Les helvétiques sont un peuple de guerriers célèbre pour la valeur de ses soldats», raconte l’historien latin Tacite. A la fin du Moyen-Age, le fantassin suisse, courageux et loyal, est sollicité par les armées européennes. Sa tenue de combat est alors aux couleurs du commanditaire. Le mercenariat offre une perspective de fortune et d’aventure loin de la Confédération pauvre et surpeuplée.

Sur le modèle de la compagnie royale d’infanterie des Cent-Suisses instaurée en France en 1471, le pape Jules II (1503-1513) souhaite mettre en place une armée régulière qui puisse assurer la protection rapprochée du souverain pontife. Les cantons catholiques répondent à l’appel du «pape de fer» et, le 22 janvier 1506, un contingent de 150 soldats entre dans Rome. Aucune mention de leur accoutrement n’est rapportée à cette occasion: ce dernier ne devait rien avoir de particulier pour l’époque.

«Courage et fidélité»

Leur devise «courage et fidélité» s’incarne en particulier lors du Sac de Rome par les lansquenets protestants de Charles Quint. Le 6 mai 1527, 147 gardes tombent ainsi au pied de l’obélisque de la place Saint-Pierre, protégeant la fuite de Clément VII (1523-1534). Très voyantes, les couleurs bleu et jaune orangé tailladées de rouge sont celles de la famille du pape fondateur de la Garde et de la famille des Médicis, en mémoire de Jules II et de Clément VII.

Peu à peu, le soldat suit l’évolution technique et la mode, allant jusqu’à porter un bicorne à cocarde et un collet français sous l’influence révolutionnaire ou, à partir de 1850, un casque prussien à crinière blanche. Des usages se perdent, comme celui de l’uniforme de deuil en noir et blanc porté avant le conclave.

Des porteurs pris pour des Suisses

Grand esthète et réformateur de la Garde suisse, le commandant Jules Repond, en poste de 1910 à 1921, impose une discipline de fer à ses hommes qui sont pour la plupart renvoyés car en réalité de nationalité italienne avec un nom suisse. Fait unique dans l’histoire, la garde se met alors en grève et demande même l’autorisation de fréquenter les bars de la rive droite du Tibre. Cette mutinerie conduit à son désarmement temporaire par Pie X (1903-1914).

Le pontife italien soutient le projet de remettre à l’honneur l’uniforme de gala d’origine. Le Fribourgeois Jules Repond s’inspire en 1914 de représentations historiques, comme des figures peintes 400 ans plus tôt par Raphaël sur la fresque de la «Messe de Bolsena» dans le palais du Vatican, même si les cinq hommes qui ont été pris pour des Suisses seraient en réalité les porteurs de la chaise du pape. La confusion viendrait du fait qu’ils soient armés mais à cette époque même les prêtres portaient une épée.

Le colonel Repond remplace le chapeau par un béret et un casque en aluminium aux bords relevés frappé de l’emblème de Jules II, le morion, orné de plumes, dont l’espèce et la teinte varient selon le grade. Chaque soldat, nécessairement catholique, célibataire et âgé de 19 à 30 ans, reçoit trois uniformes cousus sur mesure: un d’été, un d’hiver et un d’exercice. Ce dernier, discret et entièrement bleu foncé, est porté lors de l’instruction, au service de nuit et à la porte Sainte-Anne qui est l’entrée la plus utilisée de la Cité du Vatican. Ceux d’été et d’hiver ne se distinguent que par l’épaisseur du tissu tricolore et se déclinent avec des accessoires (morion bl anc ou noir, cuirasse, gants blancs, gorgerette, guêtres, manteau…).

Détruit au hachoir

La tenue de grand gala est un puzzle de 154 pièces qui n’est requis que pour les solennités, comme la prestation de serment de fidélité au pape des nouvelles recrues chaque 6 mai. L’uniforme, à la mode du cinquecento, n’a plus varié depuis 1914. Un tailleur, de nationalité italienne, est chargé au sein de la Garde suisse de réaliser les uniformes.

A titre de sanction, le garde qui enfreint le règlement doit détruire au hachoir l’uniforme des anciennes recrues, ce qui permet aussi d’éviter toute utilisation frauduleuse. Un garde suisse peut conserver son uniforme s’il a servi au moins cinq ans et même le porter dans la Confédération helvétique sous certaines conditions. Il est possible d’être enterré avec. Depuis quelques années à peine, les officiers dont l’uniforme est rouge bordeaux, possèdent aussi une tenue de réception. (cath.ch-apic/imedia/gjes/rz)

Un garde suisse dans les palais du Vatican | © Jacques Berset
31 mai 2016 | 12:35
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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Le Vatican insolite: série hebdomadaire

La Cité du Vatican est un petit Etat souverain. Ses 44 hectares cachent nombre d’anecdotes et de contrastes : un obélisque païen et des signes du zodiaque, une Garde suisse semi-millénaire dont l’uniforme renaissance n’a été dessiné qu’en 1914, un atelier de mosaïques à l’origine d’une technique novatrice, une salle de cinéma dans une ancienne chapelle, des statistiques hors du commun… Au fil des semaines à venir, dans la continuité de la précédente série sur «le Vatican méconnu», I.MEDIA présentera quelques paradoxes insolites de ce lieu chargé d’histoire.