Jean-Jacques Friboulet

Atouts et dangers de l’économie numérique

Dans un message récent, le Conseil Fédéral vient d’indiquer qu’il fallait laisser l’économie numérique développer ses potentialités et ne surtout pas légiférer. On peut comprendre qu’il ne veuille pas contrarier de façon arbitraire les restructurations engendrées par l’économie numérique mais il y a fort à parier qu’il révisera sa copie dans quelques temps au vu des effets profondément déstabilisants de cette économie sur certains secteurs-clés de l’économie suisse. Précisons notre propos.

Qu’est-ce-que l’économie numérique? Elle englobe toutes les activités économiques et sociales qui sont activées par des plateformes telles que les réseaux internet et mobiles y compris le commerce électronique. Elle concerne donc quatre niveaux de production: celui qui fabrique les matériels, les logiciels  et les réseaux de  télécommunications, celui qui développe des services en ligne sur de nouvelles plateformes, telle que «Uber», celui qui transforme les services dans les activités traditionnelles (banque, tourisme, commerce, transport, santé, éducation, agriculture) et enfin celui qui transforme les processus de fabrication dans l’industrie.

A la lecture de cette liste, on mesure que les conséquences de la numérisation sur nos modes de vie et sur l’emploi seront considérables. Nous ne sommes qu’au début du processus, mais celui-ci a déjà engendré un ralentissement sévère du commerce traditionnel qui provoque des réductions d’effectifs. Il en est de même dans le tourisme hôtelier avec les réservations de particulier à particulier par l’intermédiaire de «Airbnb». En multipliant l’utilisation des robots, l’industrie supprimera elle aussi des emplois tout en contribuant, grâce à la baisse des coûts, à maintenir une production en Suisse. En revanche de nouveaux services vont apparaître et créer des opportunités d’activité. L’idée que la numérisation coïnciderait avec la fin du travail est une fable qui est développée par les économistes qui aiment se faire peur.

On ne peut écarter le progrès technique mais on peut éviter certaines de ses dérives et l’humaniser.

Ces transformations sont inévitables. L’histoire économique nous enseigne qu’on ne peut écarter le progrès technique mais on peut éviter certaines de ses dérives et l’humaniser. Les robots vont se développer mais il faut veiller à ce qu’ils restent sous le contrôle des personnes et à ce qu’ils respectent leur intimité. Il faut faire aussi attention au fait que les nouvelles activités ne dégradent pas les services communs et la situation des salariés. Deux points sont particulièrement sensibles: la fiscalité et la protection sociale. Grâce à l’e-commerce, certains acteurs peuvent chercher à éviter l’impôt ou les taxes. Or les collectivités publiques ont besoin de maintenir leurs ressources. Il faudra donc adapter les règles fiscales à ces nouveaux services De même, en créant de pseudos situations de travailleurs indépendants, certains réseaux veulent contourner les règles de la protection sociale. On sait que, livrées à elles-mêmes, les personnes qui ont une activité à temps partiel, ne pourront pas payer leurs cotisations sociales et accepteront des rémunérations très faibles. Cette sous-enchère salariale doit être évitée par une législation adéquate.

Une fois de plus les conséquences des transformations techniques ne sont a priori ni blanches, ni noires Elles sont ce que nous en ferons. L’avènement du pétrole comme source d’énergie n’imposait pas la civilisation du tout pétrole dans laquelle nous sommes tombés. Il en sera de même de la civilisation du numérique. Elle nous asservira si nous succombons au veau d’or du réseau internet et des smartphones.

«Les robots vont se développer mais il faut veiller à ce qu’ils restent sous le contrôle des personnes et à ce qu’ils respectent leur intimité»
13 janvier 2017 | 09:50
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
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