François-Xavier Putallaz

Avortement : une initiative irréfléchie !

La pratique des interruptions volontaires de grossesse (IVG) en Suisse est consternante: à Genève, une grossesse sur cinq se termine par un avortement! On ne fera croire à aucun esprit normalement corticalisé qu’une telle proportion de femmes enceintes vivent une situation de détresse.

L’abus est flagrant. C’est pourquoi beaucoup refusent à juste titre de collaborer et de se rendre complice d’un tel état de fait.
Ce n’est pas une raison cependant pour soutenir l’initiative contre le financement collectif de l’avortement soumise au peuple suisse le 9 février prochain: quelles que soient ses convictions, nul n’a de motif de se sentir culpabilisé par l’actuel système de santé.
En effet, on distingue trois manières de coopérer à un acte considéré comme mauvais en lui-même.
1. Il y a collaboration formelle, si on partage l’intention mauvaise de l’acteur principal. Ce n’est pas le cas ici pour tous ceux qui s’opposent à l’avortement, critiquent la loi actuelle et aident les personnes en difficulté.
2. Il y a collaboration matérielle directe lorsque, sans partager l’intention d’avorter, on pose des actions déterminantes qui contribuent immédiatement à l’action mauvaise. Ce serait le cas, par exemple, d’un anesthésiste ou d’une instrumentiste en salle d’opération lors d’un avortement. Dans ce cas-là se pose la redoutable question de l’objection de conscience: faut-il ou non collaborer à de tels actes? Il est souhaitable que les cantons prennent exemple sur ceux qui, tel le Valais, prévoient explicitement une telle clause de conscience dans leur loi sur la santé (LS du 14 février 2008, art. 21).
3. Il y a collaboration matérielle indirecte lorsque l’aide fournie participe de manière non-déterminante à l’accomplissement d’une action mauvaise. Le financement de l’IVG par l’assurance de base entre dans cette dernière catégorie: on y vise essentiellement et solidairement la santé de la population, alors que la participation aux actes d’avortement n’y est qu’indirecte; bien plus, ce lien indirect est très lâche, car le paiement de ses primes maladies est très éloigné dans sa destination de la pratique abortive.
A ce tarif, ceux qui soutiennent l’initiative devraient pareillement exiger que plus personne ne travaille dans un hôpital où se pratiquent des IVG, au motif qu’on y coopère toujours et qu’on collabore indirectement à de tels actes. On conviendra qu’il est du dernier ridicule de soutenir une telle extrémité. C’est en tout cas une raison supplémentaire de refuser cette initiative passablement irréfléchie.

Voilà la deuxième de trois analyses consacrées à l’initiative «financer l’avortement est une affaire privée.»

Voir aussi: http://www.pensees.ch/index.php/la-bioethique