François-Xavier Putallaz

Diagnostic préimplantatoire: l'erreur

Le Conseil des Etats vient donc de donner son feu vert au Diagnostic préimplantatoire (DPI). C’était prévu, mais ça reste une grave erreur, fût-elle auréolée de compassion. La souffrance des couples susceptibles de transmettre une maladie grave est certes un drame contre lequel il faut lutter, car chaque personne confrontée à la souffrance mérite qu’on mette à disposition le meilleur savoir technique possible, et tout l’accompagnement humain dont on est capable. Mais est-ce à n’importe quel prix ? La réponse est clairement « non »: prévenir certaines maladies ne justifie pas qu’on porte atteinte à la dignité humaine.

Or autoriser le DPI en cas de risque de transmission de maladie sévère constitue une erreur éthique. J’y vois trois raisons au moins.

a) D’abord, il est impossible de déterminer le seuil d’une maladie grave :
– soit on en dresse la liste, mais au risque de stigmatiser les personnes vivantes souffrant d’une maladie figurant sur cette liste : la société leur jette au visage qu’il aurait mieux valu pour elles qu’elles ne naissent pas ! Une telle discrimination est inadmissible ;
– soit on laisse aux parents le soin de décider ce qu’est une maladie grave, mais alors on tombe dans l’arbitraire incontrôlable.
La proposition ingénieuse du Conseil fédéral, par son savant dosage des deux variantes, est une pathétique réponse à la quadrature du cercle.

b) Ensuite, lorsqu’on entrouvre la porte à une sélection des êtres humains, celle-ci s’ouvre tout grand, et on en vient à détruire volontairement des embryons sains (ce qu’on appelle la ›pente glissante’). Ce qui est intenable. Par exemple, on propose d’autoriser le DPI en Suisse, mais d’interdire son usage pour engendrer des « bébés-médicament » ; les couples riches se rendront alors dans les pays étrangers qui autorisent cette pratique. Un tel « tourisme » sera considéré comme scandaleux et contraindra la Suisse à se régler sur les législations européennes les plus laxistes. L’Espagne, par exemple, n’a pu maintenir cette limite. Par conséquent, légaliser le DPI c’est accepter par avance la pratique des « bébés-médicament » : on sacrifie les embryons sains dont on n’a plus besoin, au profit d’un seul embryon sélectionné qui servira à un enfant malade. N’est-ce pas là une perversion de la pratique médicale ?

c) Enfin, le DPI sacrifie des embryons susceptibles d’être malades au profit d’un futur enfant en bonne santé. Pareille instrumentalisation de l’être humain à ses débuts constitue une forme d’eugénisme critiquable : il s’agit d’une nouvelle forme de sélection appelée « eugénisme libéral ». J’y vois moins un progrès qu’un processus de déshumanisation : qui peut sérieusement considérer comme progrès médical l’élimination d’une maladie par la suppression du porteur de cette maladie ?

C’est la raison pour laquelle il est préférable de respecter l’esprit actuel de la Constitution suisse, laquelle protège au mieux la dignité de l’embryon humain. La solution d’avenir, difficile mais prometteuse, consiste à orienter la recherche scientifique en un sens respectueux des hommes et des femmes de notre temps : qu’on développe les techniques prometteuses. Refuser le DPI, c’est donner un sens véritablement humaniste à la recherche scientifique, et lui fournir les moyens d’inattendues découvertes, pour le bien et le progrès de l’humanité.

La position de la commission de bioéthique des évêques suisses:

eugenisme
11 mars 2014 | 17:59
par François-Xavier Putallaz
Temps de lecture: env. 2 min.
Partagez!