Jean-Jacques Friboulet

La doctrine sociale chrétienne, libérale ou socialiste?

Comme promis j’aborde aujourd’hui cette question et d’emblée on peut affirmer que la réponse certaine est de l’ordre du ni-ni (ni socialiste, ni libérale).

La doctrine sociale chrétienne n’est pas socialiste car elle défend deux principes qui ne sont pas en accord avec cette pensée. En premier lieu la nécessité de la propriété privée. Depuis Léon XIII, le Magistère a repris l’idée d’Aristote selon laquelle les biens sont mieux gérés s’ils appartiennent en propre aux personnes qui les détiennent. Il en va également de la nature humaine. Nous sommes des êtres de chair et de sang qui devons faire fructifier nos talents. Agir de façon totalement désintéressée n’est possible que si l’on met tout en commun comme les communautés religieuses. Mais comment faire si on est un laïc, si on est marié ou si on a des enfants? Nous devons gérer nos biens dans une éthique de responsabilité.

Le second principe est la subsidiarité. On ne peut enlever aux familles et aux communautés de base les fonctions qu’elles peuvent exercer de façon satisfaisante pour les transférer à l’Etat. Ce principe impose que l’Etat n’étende pas démesurément ses compétences en particulier en matière de solidarité. Un exemple est celui des réfugiés. Au-delà des conditions-cadre politiques et juridiques, des services indispensables d’éducation et de santé et du financement d’un minimum vital, l’Etat doit-il gérer l’intégration des migrants dans notre société ou doit-il faire confiance à nos compatriotes et aux communautés de base pour prendre des initiatives en la matière? La deuxième méthode qui permet une solidarité de proximité est la meilleure et la plus responsable si l’on s’en réfère à la doctrine sociale.

«La doctrine sociale chrétienne rend la position des chrétiens très inconfortable».

Mais la doctrine sociale chrétienne n’est pas davantage libérale sur au moins deux questions fondamentales. Elle considère tout d’abord que les personnes ont des intérêts en commun. Il existe un bien commun qui concerne toute la communauté et ceci va à l’encontre de l’idée libérale du chacun pour soi. Le premier devoir des politiciens est de contribuer à ce bien commun. Celui-ci comprend les services collectifs comme la santé et l’éducation mais aussi des valeurs communes que l’Etat doit défendre comme les droits fondamentaux des personnes. Notre pays prioritairement libéral accepte et défend les droits liés aux libertés personnelles. Il ne met malheureusement pas la même énergie à expliquer et à pratiquer les droits économiques et sociaux comme le droit au travail ou la nécessaire lutte contre la pauvreté.

Un dernier élément différencie la doctrine sociale de la doctrine libérale. Il s’agit de la destination universelle des biens. L’Eglise a toujours considéré la propriété comme un moyen et non comme une fin. Nous sommes sur terre fondamentalement les gestionnaires d’un espace qui a été créée par Dieu. Nous devons agir pour que toute personne ait un accès à ses fruits y compris nos enfants. Le pape François ne cesse de le rappeler dans Laudato si. De ce point de vue, l’écart qui sépare notre fortune de la fortune moyenne de l’humanité ne peut que nous inciter à plus de justice et de partage ici et maintenant.

La doctrine sociale chrétienne n’est donc ni libérale, ni socialiste. Elle rend la position des chrétiens qui veulent être fidèles au message de l’Evangile, très inconfortable dans une société qui aime placer les personnes dans des cases. Mais à la pratiquer, on se rend compte qu’elle ouvre des voies nouvelles de rencontre de l’autre et du Tout Autre. C’est le bonheur que je vous souhaite ami(e) lecteur.

Jean-Jacques Friboulet | 11.10.2016

Le Compendium de da doctrine sociale de l'Eglise rassemble les points fondamentaux de la doctrine catholique concernant la vie sociale
11 octobre 2016 | 13:48
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
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