Jean-Jacques Friboulet

Les Eglises, service public?

Charles Martig, directeur de kath.ch, a affirmé dans une controverse récente avec Mme Natalie Rickli, conseillère nationale UDC zurichoise, que les Eglises faisaient partie du service public. Ce à quoi le porte-parole du diocèse de Coire a répliqué que «Jésus n’a rien dit sur le service public. Sur le sujet, les chrétiens ont le droit d’avoir des opinions différentes».

Nous sommes ici face à une double erreur qui choque ceux et celles qui connaissent bien la doctrine sociale chrétienne. L’Eglise n’est pas un service public. Elle exerce, pour certaines de ses missions, comme les funérailles par exemple, des fonctions de service public ce qui n’est pas la même chose. Elle le fait comme les cliniques privées en matière de santé ou certaines institutions pour l’éducation. Ce faisant, elle contribue au bien commun dans un domaine essentiel, mais elle le fait dans le cadre de sa mission première qui est d’annoncer l’Evangile. Il en est de même pour tous les services qu’elle rend en matière de lutte contre la pauvreté et de solidarité sociale. L’Eglise n’est donc pas une ONG comme l’a rappelé le Pape François à plusieurs reprises. Confondre l’Eglise avec une de ses activités est une erreur basique. L’Eglise est dans le monde, elle n’est pas du monde.

Derrière cette controverse, il y a une question de gros sous.

Mais en lui répondant que Jésus n’a rien dit sur le service public, le porte-parole a commis à mes yeux une erreur plus grave. Il ignore la constitution Gaudium et Spes du concile Vatican II et tous les textes des papes sur la doctrine sociale chrétienne. «Mû par la foi, se sachant conduit par l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers, le Peuple de Dieu s’efforce de discerner dans les évènements, les exigences et les requêtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu» ( Gaudium et spes, §11 alinéa 1er). C’est à ce titre que la doctrine sociale chrétienne n’a cessé de renforcer, depuis le début du 20ème siècle, sa vision du bien commun. Les biens collectifs (armée, justice, police, monnaie, politique extérieure) et les services publics (santé, éducation, culture) en font partie. Certes Jésus n’a rien dit sur le service public comme il n’a rien dit sur les nouvelles technologies! Mais l’Eglise doit en parler en faisant référence au bien commun qui est un des principes de la doctrine sociale. C’est à ce titre que les chrétiens romands s’étaient mobilisés l’an dernier contre la volonté de la RTS de supprimer les émissions religieuses. Ouvrir les personnes à la dimension spirituelle de l’être humain et aux expressions culturelles de la foi est une mission de service public à laquelle l’Eglise doit coopérer.

La mission de service public de la RTS ne s’arrête pas là. Elle est également de donner accès au plus grand nombre aux grands évènements politiques, économiques sportifs et culturels. Et c’est à ce niveau qu’intervient la concurrence du secteur privé. Ne nous leurrons pas. Derrière cette controverse, il y a une question de gros sous. Les télévisions privées zurichoises lorgnent sur le gâteau publicitaire lié à ces grands évènements et veulent en priver la RTS. Mais le rapport entre secteur privé et secteur public ne peut pas être conçu dans les termes définis par Mme Rickli, le secteur privé se réservant les morceaux à rôtir et la RTS les morceaux à bouillir. Il doit être conçu en termes de complémentarité. La RTS doit pouvoir exercer ses missions de service public en termes d’information et de culture et permettre l’accès à ces biens fondamentaux pour toute personne qui le désire.

A travers sa doctrine sociale, l’Eglise indique un chemin pour le monde de ce temps. Il n’est ni socialiste ni libéral mais cette question est généralement mal comprise Nous y reviendrons dans notre prochaine chronique.

 

La conseillère nationale UDC zurichoise Natalie Rickli a quitté l'Eglise catholique (photo: parlament.ch)
4 octobre 2016 | 17:37
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 3 min.
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