Jean-Jacques Friboulet

Elections, chômage et pauvreté

Les dernières élections en France et en Espagne ont marqué un bouleversement politique. Les deux grands partis de droite et de gauche ont été laminés en Espagne par Podemos (à gauche) et Ciudadanos (au centre), en France par le Front national. Cette situation crée un contexte institutionnel nouveau puisque depuis des décennies les partis de droite et de gauche avaient l’habitude de se partager le pouvoir. Pour gouverner, ces partis devront nouer des alliances, d’où des difficultés stratégiques et pour la France un combat à droite extrêmement dur pour la primaire qui doit désigner le candidat à l’élection présidentielle.

Comment en est-on arrivé là? Beaucoup d’observateurs mettent l’accent sur des questions identitaires ou sur le réflexe anti-immigrés. Cette réponse n’est pas la bonne ni en Espagne ni en France. Le cas de Podemos issu du mouvement des Indignés est flagrant. L’origine de ce bouleversement doit être trouvée dans la crise économique et sociale que traversent ces deux pays. Deux maux sont essentiels à ce niveau: le chômage et la pauvreté.

En Espagne le taux de chômage est supérieur à 23% (plus de 48% pour les jeunes). S’il est moins élevé en France (11%), on peut le détailler par région ce qui est beaucoup plus parlant. Dans les provinces où le Front national a dépassé 40 % des voix, le taux de chômage est supérieur de 50% à la moyenne nationale. Il dépasse 20% dans certains districts du Nord et du Pas de Calais. La carte du vote Front national dans le Nord, dans l’Est et dans le Sud se superpose parfaitement avec celle du taux de chômage.

Il en est de même de celle du taux de pauvreté. Celui-ci correspond à la part de la population qui vit avec moins de 60% du revenu médian. Dans les régions où le parti de Marine le Pen a fait ses plus gros scores, il est supérieur de 50 % au taux moyen de pauvreté moyen observé en France (14%). Il dépasse même les 25 % dans certains départements du Nord-Pas de Calais et de Provence–Alpes-Côte d’Azur. Ceci explique que le Front national trouve ses réserves de voix non seulement dans des électeurs classés à droite mais aussi chez de nombreux électeurs ayant voté à gauche dans le passé.

Que conclure de tout ceci? Tout d’abord l’économie, si elle ne peut faire le bonheur des gens, peut faire leur malheur. Ensuite que le bouleversement politique que connaissent nos voisins est appelé à durer. Un tel niveau de chômage et de pauvreté suppose, pour être baissé fortement, des mesures structurelles sur la formation, les règles et le temps de travail, le taux de change. Cette baisse exigera du temps. Les manoeuvres politiciennes qui visent à réduire en France à très court terme l’influence du Front national, sont donc vouées à l’échec.

Enfin il est certain que l’Union européenne rencontrera de nouvelles difficultés. Les partis traditionnels de droite et de gauche sont ceux qui ont construit l’Union européenne. Ils y sont massivement favorables dans les formes actuelles. Podemos en Espagne et le Front national en France sont soit hostiles, soit très critiques par rapport aux pratiques actuelles de l’Union. C’est la raison pour laquelle l’Allemagne observe avec beaucoup de crainte l’évolution de ses puissants voisins. Pour nous Suisses, celle-ci est source d’incertitudes. L’Union sera moins encline à des concessions dans ses négociations dans un contexte marqué également par le référendum sur la participation à l’Europe de la Grande-Bretagne.

C’est la condition de l’être humain de tracer son chemin dans les incertitudes. C’est même ce qui fait la grandeur de ses engagements. A tous, chers lectrices et lecteurs, je souhaite une bonne et heureuse année 2016.

Jean-Jacques Friboulet | 30.12.2015

Marine Le Pen, présidente du Front National
30 décembre 2015 | 09:50
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
chômage (13), élections (119), Pauvreté (201)
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