Jean-Jacques Friboulet

Les enjeux de la laïcité

Jean-Jacques Friboulet | Beaucoup de chrétiens sont aujourd’hui perturbés par la présence de l’Islam sur notre sol. A l’image du président du parti démocrate-chrétien, ils veulent faire de la Suisse un pays chrétien. Ce faisant ils confondent plusieurs niveaux de réalité. Une interview récente du pape François dans le journal La Croix peut nous aider à y voir plus clair. Toutes les citations notées ici en sont extraites.

Il y a d’abord le niveau de l’Etat. Celui-ci chez nous est laïc, c’est à dire qu’il n’exerce aucun pouvoir religieux. Il se doit de respecter toutes les religions et de ne pas faire de discrimination entre elles. C’est au nom de ce principe qu’à Fribourg l’initiative UDC visant à interdire un centre Islam et société à l’Université a été rejetée. Le pape est très clair sur ce point: «un Etat doit être laïc. Les Etats confessionnels finissent mal … Je crois qu’une laïcité accompagnée d’une solide loi garantissant la liberté religieuse permet d’aller de l’avant.» 

Que l’Etat soit laïc et respecte donc toutes les religions ne veut pas dire que la société doit devenir laïque, c’est-à-dire que toutes les institutions doivent avoir un caractère non religieux. Le christianisme fait partie de notre histoire et de notre culture. Il doit pouvoir se manifester dans la sphère privée et dans la sphère publique. Le pape ajoute: «chacun doit avoir la liberté d’extérioriser sa propre foi. Si une femme musulmane veut porter le voile, elle doit pouvoir le faire. De même, si un catholique veut porter une croix. On doit pouvoir professer sa foi non pas à côté mais au sein de sa culture«. Le contraire serait du laïcisme. Nous en avons eu cet hiver des exemples dans le cas des crèches que certaines municipalités voulaient interdire dans l’espace public sous prétexte de laïcité. Ceci était un cas concret de laïcisme. A contrario il faut respecter l’ouverture de chaque personne à la transcendance.

Quid alors des valeurs chrétiennes? Si celles-ci sont les valeurs de foi professées dans le Credo, les baptisés n’ont pas simplement le devoir de les défendre mais surtout d’en témoigner par leurs actes et leurs paroles. Si celles-ci sont des valeurs éthiques, intervient alors le niveau politique. «C’est au parlement qu’il faut discuter, argumenter, expliquer, raisonner. Ainsi grandit une société». La société suisse s’est mise d’accord sur un certain nombre de normes fondamentales comme les droits de la personne qu’elle doit faire appliquer. Ainsi en est-il de l’égalité entre homme et femme, de la liberté de conscience ou de celle de fonder une famille. C’est le rôle du législatif et de l’exécutif de faire respecter ces normes comme l’ont fait les autorités de Bâle-Campagne à propos de la poignée de mains refusée par un élève à sa professeure.

La liberté religieuse, et donc l’ouverture à nos frères et soeurs croyants et non croyants, ne doit pas conduire à la naïveté. D’une part il faut s’opposer au laïcisme qui refuserait aux chrétiens d’affirmer leur foi en public. D’autre part il est nécessaire de promouvoir certaines valeurs qui façonnent notre société. C’est à ce niveau politique qu’il faut combattre par tous les moyens légaux l’islamisme salafiste et non l’islam en général. Ce combat peut aller jusqu’à remettre en cause des financements extérieurs venus du golfe Persique à des fins de propagande. La liberté religieuse est essentielle pour un chrétien comme l’a si bien énoncé le Concile Vatican II. Elle doit être un instrument de partage et non de conquête.

De multiples enjeux pour la laïcité
23 juin 2016 | 08:41
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
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