Jeanne-Marie Ambly

Evangile de dimanche: un appel à la liberté

Dans la plupart de nos Bibles, les titres donnés au texte que nous entendons ce dimanche mettent l’accent sur le renoncement: renoncer à tout ce que l’on a de cher, renoncer à tous ses biens… Pourtant, car ce n’est pas d’abord de renoncement qu’il s’agit, mais d’être disciple. C’est cela qui est premier, qui est recherché. Les exigences posées par Jésus n’ont de sens qu’en fonction du désir d’être disciple. «Etre mon disciple», l’expression ponctue le texte par trois fois.

Jésus se positionne donc en maître qui appelle des disciples. Quel recrutement surprenant! Aujourd’hui, qui prétend être leader et attirer à lui promet la croissance du niveau de vie, la réussite sociale, la victoire aux élections… Comment Jésus espère-t-il être suivi en exigeant d’être préféré à tout et à la vie même?

S’il peut interpeller avec une telle exigence c’est que sa personne, ses actes et ses paroles, exercent sur celui qui se laisse toucher une attraction à nulle autre semblable, une séduction qui est celle de Dieu même. «Tu m’as séduit, Seigneur, et je me suis laissé séduire», confesse le prophète Jérémie. Qui se laisse séduire par le Christ peut accueillir son appel au renoncement. Celui-ci est inacceptable s’il n’est pas la réponse à l’attrait suscité par la personne de Jésus et son évangile. Le renoncement demandé dans l’évangile de ce dimanche est le côté pile d’une médaille dont l’endroit est le désir d’être disciple. Désir qui ne concerne pas quelques privilégiés. C’est aux «grandes foules qui font route avec lui» que Jésus adresse son appel. La joie – et le tourment, car «tout amour implique de grands dérangements» (Péguy) – de se laisser séduire par le Christ Jésus est offerte à tous. Etre disciple n’est pas réservé à une «garde rapprochée».

Ce renoncement pourrait s’appeler liberté spirituelle, liberté dans l’Esprit.

Alors si ce désir est éveillé, il faut le prendre au sérieux. C’est ce à quoi invitent les deux petites paraboles. Il faut s’asseoir, c’est-à-dire prendre du temps, pour peser sa décision, comme le font l’homme qui veut bâtir une tour et le roi qui se prépare à partir en guerre. Il est tout aussi impossible d’être disciple de Jésus sans renoncer à tout que de se lancer dans la construction d’une tour sans avoir de quoi aller jusqu’au bout ou de partir en guerre avec dix mille hommes contre une armée de vingt mille. Ces deux petits récits disent avec force que les conditions posées par Jésus ne sont pas négociables.

Mais alors on a envie de l’interpeller: «A ce prix, qui peut être disciple?», tout comme les apôtres lui demandent: «Alors, qui peut être sauvé?» lorsqu’il leur affirme qu’il est plus facile à un chameau d’entrer par le trou de l’aiguille qu’à un riche d’entrer dans le Royaume de Dieu (Luc 18, 25-27). La réponse de Jésus, «Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu», suggère que la liberté exigée pour le suivre est à demander à Dieu.

Il s’agit bien, en effet, de liberté. Le renoncement aux biens, aux liens les plus légitimes et les plus chers, et jusqu’à sa propre vie n’implique pas nécessairement, bien sûr, de tout quitter – il y aurait bien peu de disciples engagés dans la vie familiale, économique, sociale,… Ce renoncement pourrait s’appeler liberté spirituelle, liberté dans l’Esprit. Cet Esprit qui souffle où il veut (Jean 3, 8).

Jeanne-Marie d’Ambly | 02.09.2016


 Luc 14, 25-33

25 De grandes foules faisaient route avec Jésus ; il se retourna et leur dit :

26 « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple.

27 Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite ne peut pas être mon disciple.

28 Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ?

29 Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui :

30 »Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever !»

31 Et quel est le roi qui, partant en guerre contre un autre roi, ne commence par s’asseoir pour voir s’il peut, avec dix mille hommes, affronter l’autre qui marche contre lui avec vingt mille ?

32 S’il ne le peut pas, il envoie, pendant que l’autre est encore loin, une délégation pour demander les conditions de paix.

33 Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple.

JMJ 2016. Le pape a exhorté les jeunes à «mettre des crampons pour suivre Jésus».
2 septembre 2016 | 17:30
par Jeanne-Marie Ambly
Temps de lecture: env. 3 min.
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