Jeanne-Marie Ambly

Pentecôte: L’Esprit, mémoire vive de la Parole

Jean 14, 15-16.23b-26

Dans les quelques versets proposés à notre écoute en cette fête de Pentecôte, deux réalités se croisent, la parole de Jésus et l’Esprit qu’il promet. Deux réalités indissociables comme le sont la parole humaine et le souffle qui la porte.

Au centre du texte, une double déclaration de Jésus: l’aimer c’est garder sa parole et inversement celui qui ne l’aime pas ne garde pas ses paroles. A première lecture, les deux affirmations sont opposées terme à terme. Une attention plus précise montre que ce n’est pas tout à fait le cas. Pour celui qui aime il s’agit de garder la parole, au singulier. Quant à celui qui n’aime pas, il ne garde pas les paroles, au pluriel. Serait-ce qu’à celui qui n’aime pas la parole apparaît multiple? Ne pas aimer ferait percevoir la richesse de la parole comme une multiplicité de paroles, voire une complexité? Qui dit multiplicité et complexité dit risque de se perdre et de se disperser. Comment garder une multiplicité de paroles? Est-ce possible? Aimer, par contre, unifie et simplifie. A celui qui aime, la multiplicité des paroles se fait entendre comme unique parole de l’Aimé. Parole d’amour et de vie, unique et unifiante, se diffractant dans la riche diversité des paroles.

Autre différence entre les deux affirmation, l’une se conjugue au futur, «si quelqu’un m’aime il gardera ma parole» et l’autre au présent, «celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles». Qu’entendre dans cette variation? Peut-être ceci, garder la parole de Jésus ouvre un chemin à parcourir, oriente vers l’avenir, engage la fidélité. Avenir qui est le temps de l’Esprit. Car pour que l’Esprit soit donné, il faut que Jésus s’en aille.

Aimer unifie et simplifie.

C’est l’annonce de ce départ qui suscite, comme deux versants d’une même réalité, l’appel à garder la Parole et la promesse de l’Esprit. Celui-ci, en rappelant aux disciples tout ce que le Maître a enseigné n’est pas une manière de génial répétiteur, qui garantirait l’intégrale d’une œuvre. On retrouverait ici la multiplicité de paroles impossible à garder. D’ailleurs, Jésus ne dit pas: «l’Esprit Saint vous fera souvenir» de tout ce que j’ai dit, mais «de tout ce que je vous ai dit». L’Esprit de vérité est donné aux disciples non pour qu’ils retiennent la totalité d’une collection de paroles, mais pour qu’ils se laissent toucher par la Parole, celle qui leur est personnellement adressée et qui les fait vivre. C’est celle-ci dont l’Esprit fait se souvenir.

Il faut la garder non comme un savoir encyclopédique précieusement conservé dans une bibliothèque, mais comme une Parole à vivre, une semence qui jetée en terre porte du fruit trente, soixante, cent pour un. La Parole de Jésus n’est pas à garder comme une langue morte, héritage d’un passé révolu. L’Esprit, lui qui descend sous forme de langues de feu, fait de l’Evangile une langue vivante, une langue qui est encore parlée après plus de deux mille ans et qui le sera toujours. C’est le Souffle, ce violent coup de vent qui envahit la maison où sont rassemblés les disciples, qui fait de l’Evangile, texte écrit qui pourrait rester lettre morte, une Parole à jamais vivante.

Jeanne-Marie d’Ambly | 13.05.2016


Jean 14, 15-16.23b-26

En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
«Si vous m’aimez,
vous garderez mes commandements.
Moi, je prierai le Père,
et il vous donnera un autre Défenseur
qui sera pour toujours avec vous.
Si quelqu’un m’aime,
il gardera ma parole;
mon Père l’aimera,
nous viendrons vers lui
et, chez lui, nous nous ferons une demeure.
Celui qui ne m’aime pas
ne garde pas mes paroles.
Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi:
elle est du Père, qui m’a envoyé.
Je vous parle ainsi,
tant que je demeure avec vous;
mais le Défenseur,
l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom,
lui, vous enseignera tout,
et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit».

«l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout...»Photo: Flickr/Ted/CC BY-SA 2.0)
13 mai 2016 | 17:30
par Jeanne-Marie Ambly
Temps de lecture: env. 3 min.
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