Guy Musy

Evangile de dimanche: paquet d’embrouilles

C’est donc bien l’Esprit, descendu sur lui lors de son baptême, qui conduit Jésus au désert pour être tenté par le diable. Il ne l’induit pas en tentation, pas plus qu’il ne l’y soumet. Pour rappeler ces formules malheureuses que l’on se plaît encore à répéter en priant le «Notre Père». Non, l’Esprit ne fait que conduire Jésus sur les lieux de son combat, là où s’affrontent les forces du bien et celles du mal. Le diable n’est pas le seul à occuper le terrain ; les bons anges sont eux aussi sur pied de guerre, ainsi que le rappelle la finale de notre texte.

On l’aura compris sans peine: cette scène de tentations est une composition littéraire. Le désert est une image qui évoque la rude et périlleuse montée des Israélites vers la terre promise ; le chiffre quarante signifie la durée d’une génération humaine. Pas plus que nous, Jésus n’échappe à cette épreuve. Son parcours de vie, comme le nôtre, est un champ de bataille où il convient d’éviter les embûches d’un tentateur qui surgit à l’improviste à la croisée des chemins.

Libre à vous d’imaginer ce maître d’embrouilles – l’Ecriture l’appelle «diable» ou «diviseur» – comme un être bien réel, en chair et en os, comme il me plairait de le dire, ou alors comme un personnage mythique sorti d’un mauvais conte de fées. Quant à moi, je n’ai pas besoin de faire ce détour. Je sais pertinemment que je porte en moi ce faisceau de contradictions qui me porte à agir mal quand je voudrais faire le bien. Le débat est donc intérieur. Inutile d’en chercher un agent externe pour nous décharger à peu de frais de notre  responsabilité.

C’est la foi de Jésus et la nôtre qui est mise à l’épreuve dans le désert de nos vies.

Alors à chacun ses tentations et son combat. Celles de Jésus pourraient bien être l’horizon de celles qui menacent tout croyant. C’est la foi de Jésus et la nôtre qui est mise à l’épreuve dans le désert de nos vies. Les tentations sont enrobées de versets d’Ecriture que l’on peut manipuler et interpréter en tout sens. C’est là le jeu d’embrouilles qui pourrait nous séduire et finalement nous détruire. Le procédé est assez simple : il s’agit de tirer parti de la religion dans le but de flatter notre ego et affirmer notre pouvoir. C’est la tentation de Daesh, habile à récupérer le nom divin pour satisfaire les plus basses convoitises et accomplir les plus noires besognes. En chaque chrétien sommeille un djihadiste, qui rêve d’actions d’éclats pour épater la galerie, qui proclame haut et fort sa foi pour se dédouaner de mal agir et qui est disposé à adorer l’argent et tout autre maître si cela peut lui valoir un petit fumet de gloire.

Pour repousser la tentation, la méthode de Jésus est simple elle aussi: il se désapproprie, se dessaisit de lui-même et assume son destin sans chercher à le construire lui-même. Dans une totale obéissance à la volonté de son Père, il dit: «Non pas ce que je veux, mais ce que tu veux!». Nous entendrons ces mots dans le récit de la passion de Jésus qui clôture et donne sens à son carême et au nôtre. Après avoir enregistré cette réponse, le tentateur ne peut que mettre fin à ses manœuvres. Bredouille, il rebrousse chemin.

Guy Musy | 03.03.2017


Mt 4, 1-11

01 Alors Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable.

02 Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim.

03 Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. »

04 Mais Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. »

05 Alors le diable l’emmène à la Ville sainte, le place au sommet du Temple

06 et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »

07 Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. »

08 Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire.

09 Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si, tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi. »

10 Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. »

11 Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient.

«Alors Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable.»
3 mars 2017 | 17:30
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 3 min.
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