Guy Musy

Evangile de dimanche: les petits chiens!

Alors quoi, Jésus refuse d’accueillir les païens et réserve ses bienfaits aux seuls gens de chez lui? Voilà qui paraît bien étrange. Même si ses frères et sœurs juifs qui bénéficient en priorité de ses soins sont les « brebis perdues” de la maison d’Israël. Dieu sait si ce guérisseur galiléen a couru les collines, les rivages des lacs et même les lieux peu fréquentables pour découvrir ces pauvres de Yahwe,  les mettre sur pied, les réhabiliter. Un publicain par ci, une prostituée par là, un cul-de-jatte mendiant, un lépreux honteux, une veuve en pleurs, un aveugle-né qui le harcèle sur son passage… N’est-ce pas suffisant pour remplir la vie d’un homme, fut-il un dieu?

Et le voilà fatigué qui prend des vacances au Liban, hors des frontières d’Israël. Le temps de respirer, de faire le point, de prier… Mais tout bascule à cause d’une Cananéenne. Et le voici repris dans le tournis des supplications quotidiennes. Ne savait-il donc pas que chez les païens les brebis perdues étaient plus nombreuses qu’en Israël, et, selon toute vraisemblance, encore plus malheureuses?

Aux gémissements de la Cananéenne, qui le poursuit de ses cris, répond un mouvement d’humeur. Beaucoup plus qu’un agacement, mais ce qui pourrait paraître comme une grave injure. La femme, loin de s’en offusquer, en convient et même en rajoute. Oui, elle est une chienne. Et même, moins que cela: elle n’est qu’un chiot qui se contente de happer quelques miettes tombées de la table où mangent les enfants de la maison.

Ce n’est pas Jésus qui guérit la fille de la païenne, mais c’est la foi de cette mère.

Cette réplique évoque, dans un autre évangile, un certain Lazare, lui aussi accroupi sous la table du riche, se rassasiant des reliefs de son banquet. Le rapprochement est saisissant. L’un et l’autre sont finalement comblés. Notez-le bien: ce n’est pas Jésus qui guérit la fille de la païenne, mais c’est la foi de cette mère. Elle croit que la miséricorde divine ne connaît pas de frontières. Tel un large manteau, elle couvre la misère universelle.

Certains commentateurs disent que cette singulière rencontre a provoqué une «conversion» de Jésus. Cette femme lui a fait comprendre que son évangile devait aller jusqu’au bout du monde et jusqu’à la fin des temps.

Et nous qui en bénéficions depuis si longtemps, sommes-nous prêts à le partager ? Tant de brebis perdues voudraient manger quelques miettes tombées de notre table de riches. Y compris de celle où nous avons coutume de partager notre  repas eucharistique. Si nous n’éprouvons pas ce désir, c’est que nous avons perdu le souvenir et le goût de l’évangile. Nous ne savons plus ce qu’est «le don de Dieu«. Serait-ce notre tour de devenir «petits chiens” et mendier chez les pauvres ce qui les nourrit? …

Guy Musy | 18 août 2017


Matthieu 15, 21-28

En ce temps-là,
partant de Génésareth,
Jésus se retira dans la région de Tyr et de Sidon.
Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, disait en criant :
« Prends pitié de moi, Seigneur, fils de David !
Ma fille est tourmentée par un démon. »
Mais il ne lui répondit pas un mot.
Les disciples s’approchèrent pour lui demander :
« Renvoie-la,
car elle nous poursuit de ses cris ! »
Jésus répondit :
« Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël. »
Mais elle vint se prosterner devant lui en disant :
« Seigneur, viens à mon secours ! »
Il répondit :
« Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants
et de le jeter aux petits chiens. »
Elle reprit :
« Oui, Seigneur ;
mais justement, les petits chiens mangent les miettes
qui tombent de la table de leurs maîtres. »
Jésus répondit :
« Femme, grande est ta foi,
que tout se passe pour toi comme tu le veux ! »
Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.

«Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux!» Et, à l’heure même, sa fille fut guérie». Mt 15, 28 | Flickr/Lawrence OP/CC BY-NC-ND 2.0
18 août 2017 | 17:30
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 3 min.
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