Jeanne-Marie Ambly

Evangile de dimanche: Pour que la Parole s’accomplisse et devienne événement

Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21, La Parole de Dieu

Dans les tout premiers versets de son évangile, que nous entendons ce dimanche, Luc, en présentant à l’excellent Théophile son projet d’auteur, pointe l’enjeu des évangiles, et de tout témoignage: transformer les événements en parole afin de les transmettre, donner à entendre ce qui a été vu. Le texte originel attire l’attention sur cette mutation en signalant que ceux qui furent au début des témoins oculaires sont ensuite devenus serviteurs de la Parole. On peut regretter que la traduction liturgique ne rende pas compte de cette transformation. D’autant plus que l’articulation entre voir et entendre, entre événement et parole est au cœur de ce qui suit.

Jésus se rend à Nazareth et, le jour du sabbat, entre à la synagogue. Espaces familiers, pratiques et gestes habituels. Le texte les décrit avec la précision d’un script de film qui invite à se représenter et à visualiser la scène : Il se lève, on lui remet le livre, il l’ouvre…Et puis comme si le film était déroulé à l’envers : il referme le livre, le rend au servant et s’assied. Cela pourrait donner l’impression qu’on revient au point de départ. Il n’en est rien !

Entre deux s’est joué quelque chose de capital. Un nouvel espace a été ouvert, celui du Livre.  Un espace où advient quelque chose d’heureux, de bon. Une parole se fait entendre, par laquelle l’envoyé du Seigneur décrit la mission qui lui est confiée : porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la libération, et à tous une année favorable,… Mission qui, telle qu’elle est révélée dans ce passage d’Isaïe, ne consiste pas tant à faire qu’à annoncer. Cet envoyé donne à entendre plus qu’à voir.

D’ailleurs alors que tous dans la synagogue ont les yeux fixés sur lui, Jésus les ramène à l’essentiel: il ne s’agit pas que le regard soit fasciné mais que l’oreille soit ouverte. Sinon, une fois le livre refermé et rendu au servant, il ne se passe rien. On retourne effectivement à la case départ, comme lorsqu’on passe un film à l’envers. Par contre si la Parole est écoutée, vraiment écoutée, alors elle s’accomplit. Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre. Il s’accomplit si vous l’avez réellement entendu, écouté. Le texte grec dit : Aujourd’hui ce passage de l’Ecriture s’accomplit dans vos oreilles. L’heureuse annonce proclamée par l’envoyé du Seigneur, s’accomplit à la mesure de votre écoute. La suite du texte, que nous entendrons dans huit jours, et le revirement déroutant des habitants de Nazareth suggère que l’espace de leur écoute n’a pas permis l’accomplissement de ce passage de l’Ecriture.

Les premiers versets de l’évangile de ce dimanche évoquent le processus par lequel des témoins oculaires deviennent serviteurs de la Parole en témoignant par la parole de ce qu’ils ont vu. La seconde partie du texte alerte sur l’importance du parcours inverse : la Parole est destinée à être écoutée pour s’accomplir. La Bonne Nouvelle est annoncée afin de prendre chair, de devenir événement dans la vie de ses auditeurs.

Jeanne-Marie d’Ambly I 22.01.2016


Evangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21)

Beaucoup ont entrepris de composer un récit
des événements qui se sont accomplis parmi nous,
d’après ce que nous ont transmis
ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires
et serviteurs de la Parole.
C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi,
après avoir recueilli avec précision des informations
concernant tout ce qui s’est passé depuis le début,
d’écrire pour toi, excellent Théophile,
un exposé suivi,
afin que tu te rendes bien compte
de la solidité des enseignements que tu as entendus.

En ce temps-là,
lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit,
revint en Galilée,
sa renommée se répandit dans toute la région.
Il enseignait dans les synagogues,
et tout le monde faisait son éloge.
Il vint à Nazareth, où il avait été élevé.
Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat,
et il se leva pour faire la lecture.
On lui remit le livre du prophète Isaïe.
Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit :
L’Esprit du Seigneur est sur moi
parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction.
Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres,
annoncer aux captifs leur libération,
et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue,
remettre en liberté les opprimés,
annoncer une année favorable
accordée par le Seigneur.
Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit.
Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui.
Alors il se mit à leur dire :
« Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture
que vous venez d’entendre »

Luc, en présentant à l’excellent Théophile son projet d’auteur, pointe l’enjeu des évangiles, et de tout témoignage.
22 janvier 2016 | 18:19
par Jeanne-Marie Ambly
Temps de lecture: env. 3 min.
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