Guy Musy

Evangile de dimanche: soir de Pâques

Pour avoir à maintes reprises et sous de multiples formes lu ou commenté ce qu’on a coutume d’appeler l’évangile d’Emmaüs, il est bien difficile d’éviter les poncifs et les clichés habituels que produit la lecture de ce récit. Je tente malgré tout de proposer une interprétation, ou mieux, une appropriation dont vous aurez sans doute raison de mettre en doute l’originalité.

Bon! Oubliez Cléophas et son compagnon et même les quinze stades qu’ils parcourent de Jérusalem à leur village palestinien. C’est de  votre retour chez vous qu’il s’agit, un soir de Pâques, au terme d’une «montée pascale», qui a rechargé vos batteries. Et voilà que toute messe dite et le feu nouveau devenu braise et cendre, vous retrouvez vos préoccupations coutumières. Votre dos ou votre hanche continue de vous faire mal, vos problèmes de couple ou de famille n’ont toujours pas trouvé de solution et il y a toujours autant d’enfants assassinés en Irak ou en Afghanistan. Le plus grave, me semble-t-il est que vous ne vous trouvez pas meilleur qu’avant.  Alors, à quoi bon ces Alleluia que vous chantiez à tue-tête il y a quelques heures? Du pipeau? Et ce refrain si souvent répété: «Il est vraiment ressuscité!», est-ce la version liturgique de la recette du bon Docteur Coué?

Vous ruminez ces sombres pensées quand un compagnon invisible ou anonyme – qu’importe ! – commence par vous donner sans douceur un uppercut sur la poitrine, accompagné de ces mots: »Vraiment, tu n’as rien compris!» Et de vous renvoyer à votre vieille Bible empoussiérée, égarée quelque part sur un rayon de bibliothèque. Qu’auriez-vous donc dû comprendre et que vous n’avez pas compris? Une évidence, à la fois simple et difficile: le Royaume de Dieu ne se confond pas avec les aléas de votre vie présente. Pâques ne célèbre que les commencements de ce Royaume. Cette fête ne fait qu’ouvrir la route. Une semence a été jetée dans le champ du monde qui est aussi votre champ. Alors, patience! Laissez au grain le temps de germer et de grandir. Et même de mourir entre-temps. Votre souffrance est porteuse de vie. Y compris votre lombalgie!

Vous n’êtes pas persuadé? Vous voudriez en être convaincu? Alors, sans même que vous vous y attendiez, votre coeur s’inonde de lumière. Ce compagnon de route étranger – un immigré? – que vous avez invité à partager votre repas prend les traits de ce Jésus ressuscité dont vous cherchez à voir le visage depuis si longtemps. Et c’est l’éblouissement. C’est Lui, à n’en pas douter. Sous les apparences du pain donné et de l’amitié partagée. Votre Bible oubliée redevient limpide et lumineuse. Et votre cœur froid se met à brûler.

Mais ce n’est que fulgurance, l’éclair d’un bref instant.»Flambée furtive où notre cœur a pressenti le vrai bonheur». Cela suffit pour vous remettre debout et vivre en mode de  résurrection.

Guy Musy | 28 avril 2017


Lc 24, 13-35

13 Le même jour, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaüs, à deux heures de marche de Jérusalem,

14 et ils parlaient entre eux de tout ce qui s’était passé.

15 Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux.

16 Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.

17 Jésus leur dit : « De quoi discutez-vous en marchant ? » Alors, ils s’arrêtèrent, tout tristes.

18 L’un des deux, nommé Cléophas, lui répondit : « Tu es bien le seul étranger résidant à Jérusalem qui ignore les événements de ces jours-ci. »

19 Il leur dit : « Quels événements ? » Ils lui répondirent : « Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth, cet homme qui était un prophète puissant par ses actes et ses paroles devant Dieu et devant tout le peuple :

20 comment les grands prêtres et nos chefs l’ont livré, ils l’ont fait condamner à mort et ils l’ont crucifié.

21 Nous, nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël. Mais avec tout cela, voici déjà le troisième jour qui passe depuis que c’est arrivé.

22 À vrai dire, des femmes de notre groupe nous ont remplis de stupeur. Quand, dès l’aurore, elles sont allées au tombeau,

23 elles n’ont pas trouvé son corps ; elles sont venues nous dire qu’elles avaient même eu une vision : des anges, qui disaient qu’il est vivant.

24 Quelques-uns de nos compagnons sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses comme les femmes l’avaient dit ; mais lui, ils ne l’ont pas vu. »

25 Il leur dit alors : « Esprits sans intelligence ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce que les prophètes ont dit !

26 Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »

27 Et, partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait.

28 Quand ils approchèrent du village où ils se rendaient, Jésus fit semblant d’aller plus loin.

29 Mais ils s’efforcèrent de le retenir : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse. » Il entra donc pour rester avec eux.

30 Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, il prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna.

31 Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent, mais il disparut à leurs regards.

32 Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? »

33 À l’instant même, ils se levèrent et retournèrent à Jérusalem. Ils y trouvèrent réunis les onze Apôtres et leurs compagnons, qui leur dirent :

34 « Le Seigneur est réellement ressuscité : il est apparu à Simon-Pierre. »

35 À leur tour, ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment le Seigneur s’était fait reconnaître par eux à la fraction du pain.

«Or, tandis qu’ils s’entretenaient et s’interrogeaient, Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux. Luc 24, 15 | © Flickr/Lawrence OP/CC BY-NC-ND 2.0
28 avril 2017 | 17:00
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 4 min.
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