Guy Musy

Evangile de dimanche: vengeance et pardon

C’est le prologue de cette parabole qui attire aujourd’hui mon attention. Tout d’abord ces deux chiffres : 70 et 490 (70 x 70) , signes de l’infini et de l’infini de l’infini. L’un et l’autre assurément inimaginables, puisque dépassant tous nos repères habituels et surtout notre mentalité d’apothicaire, faite de bouts de papier et de carnets de comptes.

J’ai longtemps cru, par ignorance ou par paresse, que Jésus fut le premier à citer ces chiffres à la signification astronomique. Il s’en sert ici dans le but de confondre ce pauvre Pierre qui comptait sur les doigts d’une seule main le nombre de fois qu’il devait remettre la dette d’un débiteur récidiviste, particulièrement récalcitrant.

En fait, il faut retourner les pages de la Bible très en arrière, jusqu’à la lointaine Genèse où nous lisons ceci : « Oui, Caïn sera vengé sept fois, mais Lamek (un de ses descendants) soixante-dix fois sept fois » (Genèse 4,24).  Quelle découverte et quel contraste !  Quand Jésus parle de remise de dettes, la Genèse parle de vengeance à répétitions incalculables. Belle mentalité !

Les notes de bas de page de nos Bibles viennent au secours de la Genèse, s’empressant d’ajouter que ces propos scandaleux font écho aux « vengeances tribales », particulières à un peuple primitif, encore peu éclairé. Il faudrait attendre, nous dit-on, la loi du talion pour limiter les dégâts et ramener à plus de raison cette vengeance sans retenue : « Œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure (Exode 21,24). Exacte et parfaite réciprocité entre les torts subis et la note à faire payer pour les réparer. Ni plus, ni moins. Pendant des siècles, la justice légale s’est référé à la loi du talion pour endiguer la vengeance tribale, hélas toujours à l’honneur (?) de nos jours. Il n’est qu’à songer aux relations de l’abominable dont s’abreuvent nos médias.

Et voilà que Jésus, une fois encore, révolutionne absolument notre manière d’agir et de penser. A la vengeance aveugle ou   réglementée, il substitue le pardon, comparé dans notre parabole à une remise de dettes. L’offense est une atteinte à l’intégrité physique ou morale de l’offensé. Elle crée chez lui un manque qu’il faut compenser. Jésus n’en disconvient pas. Mais il estime que cette blessure ne peut être guérie que par l’amour et le pardon.  Pardon offert par celui qui est blessé, pardon reçu par celui qui a provoqué la blessure. Et de prendre pour modèle son Père dont la miséricorde est non seulement infinie, mais de tout instant.

Là où les calculs mesquins et les chiffres dérisoires dominaient, l’amour et le pardon devraient triompher. C’est sans doute ce que Jésus veut dire en conclusion de sa parabole quand il insiste sur la nécessité de « pardonner du fond du cœur ». Non pas un pardon menteur froidement exprimé du bout des lèvres, en gardant le nom l’offenseur sur la liste  des ennemis dont on s’est juré de se venger un jour. Mais le pardon qui guérit et transforme l’ennemi en ami. N’est-ce pas Abraham Lincoln qui disait : « Le perte d’un ennemi ne compense pas celle d’un ami ? ». Merveilleuse illustration de cette page d’évangile.

Guy Musy | Vendredi 15 septembre 2017


Mt 18, 21-35

21 Alors Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? »

22 Jésus lui répondit : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois.

23 Ainsi, le royaume des Cieux est comparable à un roi qui voulut régler ses comptes avec ses serviteurs.

24 Il commençait, quand on lui amena quelqu’un qui lui devait dix mille talents (c’est-à-dire soixante millions de pièces d’argent).

25 Comme cet homme n’avait pas de quoi rembourser, le maître ordonna de le vendre, avec sa femme, ses enfants et tous ses biens, en remboursement de sa dette.

26 Alors, tombant à ses pieds, le serviteur demeurait prosterné et disait : «Prends patience envers moi, et je te rembourserai tout.»

27 Saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette.

28 Mais, en sortant, ce serviteur trouva un de ses compagnons qui lui devait cent pièces d’argent. Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : «Rembourse ta dette !»

29 Alors, tombant à ses pieds, son compagnon le suppliait : «Prends patience envers moi, et je te rembourserai.»

30 Mais l’autre refusa et le fit jeter en prison jusqu’à ce qu’il ait remboursé ce qu’il devait.

31 Ses compagnons, voyant cela, furent profondément attristés et allèrent raconter à leur maître tout ce qui s’était passé.

32 Alors celui-ci le fit appeler et lui dit : «Serviteur mauvais ! je t’avais remis toute cette dette parce que tu m’avais supplié.

33 Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?»

34 Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait.

35 C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur. »

Et voilà que Jésus, une fois encore, révolutionne absolument notre manière d’agir et de penser.
15 septembre 2017 | 23:57
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 3 min.
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