Pascal Fessard

France, prends garde de perdre ton âme!

La République Laïque de France (RLF) vient de rendre public, par son ministre de l’éducation M. Vincent Peillon, ce qu’elle avait déjà légiféré à propos de l’école laïque. Une charte en 15 points rassemble ainsi l’essentiel d’une idéologie dont l’adaptation à notre temps reste à éprouver. Il est affirmé, par exemple, que «la laïcité permet l’exercice de la citoyenneté, en conciliant la liberté de chacun avec l’égalité et la fraternité de tous dans le souci de l’intérêt général.» Quel beau morceau choisi de ventre mou rhétorique!

Le recours à l’intérêt général se veut de tradition révolutionnaire. En pratique, il accouche surtout de rejetons totalitaires de toutes sortes, et c’est chose très simple à démontrer. Posons-nous une question fondamentale, qui décide en quoi consiste l’intérêt général?

Laissons de côté les nombreuses réflexions que la France éclairée du XVIIIe siècle a su produire pour dénoncer l’illusion d’une majorité citoyenne et examinons un cas pratique.

La majorité des citoyens se donne pour intérêt général que l’Etat doit être une République laïque. Que ce soit là le fruit du bon sens, d’un raisonnement éclairé, d’une opinion vague ou d’un choix démocratique n’importe peu, car ce qui compte c’est que le gouvernement soit chargé par la majorité citoyenne d’appliquer le principe de laïcité. Le ministre de l’éducation rédige donc une charte de la laïcité à l’école. Il faut savoir que les établissements scolaires se trouvent confrontés à toutes sortes de difficultés religieuses, refus de certains élèves de participer à des cours jugés prosélytes, problèmes du port de symboles religieux à l’école, etc. L’article 13 ordonne ces situations conflictuelles en stipulant que «nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l’Ecole de la République.» Ou encore dans l’article 14: «Le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.» Voilà passagèrement le calme retrouvé dans les classes de la République Laïque de France.

Cependant, n’exultons pas, les ennuis pointent avec l’article 8: «La laïcité permet l’exercice de la liberté d’expression des élèves dans la limite du bon fonctionnement de l’école comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions.» Liberté est donnée aux élèves d’exprimer des valeurs laïques. Pauvres élèves, savent-ils seulement de quoi il s’agit, qu’est-ce donc qu’une valeur laïque?

Prenons encore une fois un exemple, sinon nous serons perdus. Un Professeur de lycée a été mandaté par sa direction d’organiser un débat en classe sur l’avortement. Il s’agit de M. Isnard, enseignant à Manosque. Pendant huit années il s’exécute, présentant différentes méthodes d’avortement que les étudiants sont chargés de passer au crible du débat argumenté pour magnifier le pluralisme des convictions. Or, voilà que le Professeur est renvoyé, semble-t-il par décision ministérielle; il est en plus victime d’une campagne de lynchage médiatique. C’est-à-dire qu’on lui reproche de dégoûter les élèves de l’avortement et de les inciter à se positionner contre cette pratique; M. Isnard demande à être entendu dans les médias l’ayant dénoncé, aucun droit de réponse ou d’expression ne lui est accordé, même dans la presse catholique. La République Laïque de France reconnaissant l’avortement, et même l’avortement de mineurs, comme valeur constituante de la liberté citoyenne, elle interdit donc quiconque de s’y opposer. Par ailleurs, M. Isnard étant ouvertement catholique, il n’était pas question de le garder dans les rangs de l’Enseignement Républicain Laïc; le voici simplement interdit d’enseigner sur le territoire de la RLF.
L’article 11 de la charte de l’école laïque règle cette dernière difficulté en précisant que «les personnels ont un devoir de stricte neutralité: ils ne doivent pas manifester leurs convictions politiques ou religieuse dans l’exercice de leurs fonctions.»

Des professeurs devant taire leurs convictions, des élèves libres de penser uniquement la laïcité dépolitisée et dépourvue de spiritualité, une école qui n’éduque plus, enseigne-t-elle encore? Nous avons envie d’hurler, comme autrefois, Ô France, prends garde de perdre ton âme!

 

Pascal Fessard

 

PS.: Mon fils n’ira pas à l’école en RLF; il apprendra la culture française dans une école privée religieuse de Suisse. C’est moi, son père, qui le décide.

PPS.: Le vrai problème de la France, ce n’est pas tant la laïcité, mais la République…

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