Jean-Jacques Friboulet

Italie: le piège du référendum

Les Italiens n’ont pas, contrairement au peuple suisse, une longue tradition de référendums. Quand une question leur est posée, le risque majeur est qu’ils ne se prononcent pas sur cet objet précis mais sur leur opinion vis-à-vis du gouvernement.

Ce risque est réel eu égard au vote qui aura lieu en ce début du mois de décembre et qui porte sur une redistribution des pouvoirs entre l’Etat central et les régions. Le premier ministre, M. Renzi, veut en finir avec les prérogatives du Sénat italien qui, depuis 1945, a les mêmes pouvoirs que la Chambre des députés. Celui-ci peut retirer sa confiance au gouvernement et provoquer sa démission. Il en résulte une très grande instabilité politique qui nuit effectivement à la capacité de l’Italie à conduire des réformes. Le texte proposé par M. Renzi prévoit en outre de réduire le nombre des sénateurs de 315 à 100 et de les faire désigner par les régions.

Ces deux propositions, ajoutées à une modification de la loi électorale qui donnerait automatiquement la majorité au parti qui aurait obtenu 40% des voix aux élections et serait arrivé en tête, renforceraient énormément les pouvoirs du premier ministre.

«Matteo Renzi joue avec des allumettes.»

Le patronat italien soutient cette réforme. Mais tous les opposants à l’actuel gouvernement ont transformé ce vote en un plébiscite anti-Renzi. Le premier ministre a prêté le flanc à cette transformation en indiquant, comme l’avait fait le Général de Gaulle en France sur un référendum de même nature en 1969, qu’il démissionnerait en cas d’échec.

Ce référendum italien appelle deux commentaires. L’histoire montre que le bicaméralisme garantit le bon fonctionnement des démocraties occidentales. On peut tempérer les prérogatives de la Chambre haute comme en France, où le Sénat n’a pas le pouvoir de renverser le gouvernement. Mais il est très dangereux d’ôter sa légitimité démocratique au Sénat en privant ses membres d’élection. M. Renzi pourrait livrer entièrement les clés du pouvoir à un parti sans tradition démocratique en privilégiant exclusivement la constitution de majorités stables à la seule Chambre des députés.

En second lieu, il est très dangereux de proposer un vote sur un sujet aussi difficile à un moment où la situation économique italienne est mauvaise. La dette atteint des sommets, à 135% du PIB, et le chômage officiel est proche de 13% avec un taux de 40% chez les jeunes. A cela s’ajoute la crise migratoire et la situation financière des banques qui est la plus fragile en Europe à cause de l’accumulation des créances douteuses. Ce tableau particulièrement noir ne peut que pousser la population à la colère et à un vote contre le gouvernement Le contraire serait une grande surprise.

En proposant ce référendum maintenant, M. Renzi joue avec des allumettes. Il peut provoquer un feu sur les marchés financier italien et européen, qui confirmerait la très mauvaise année de l’Union européenne après le Brexit.

Jean-Jacques Friboulet | 02.12.2016

En proposant ce référendum maintenant, Matteo Renzi joue avec des allumettes
2 décembre 2016 | 09:19
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
Italie (240), Matteo Renzi (2)
Partagez!