Claude Ducarroz

La parole au peuple. Exprimez-vous!

Dans sa lutte contre les abus sexuels perpétrés par des membres du clergé, le pape François, après avoir établi un diagnostic pertinent dans la culture du cléricalisme, a lancé deux initiatives intéressantes. D’une part, il rassemblera tous les présidents des conférences épiscopales lors d’une assemblée extraordinaire du 21 au 24 février 2019. D’autre part, dans une lettre au peuple de Dieu datée du 20 août 2018, il mobilise toute l’Eglise catholique dans ce combat évangélique contre de tels scandales.

Il écrit: «Il est nécessaire que chaque baptisé se sente engagé dans la transformation ecclésiale et sociale dont nous avons besoin… Il est impossible d’imaginer une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du peuple de Dieu.»

Tout cela est bel et bon. Mais attention au piège possible.

Puisque les principales décisions seront prises au Vatican par l’assemblée des évêques autour du pape, les braves «chrétiens de la base» pourraient en déduire qu’ils n’ont pas voix au chapitre, sinon par la prière et le jeûne, dans l’attente docile des décrets tombant d’en haut. Après tout, ces abus ont été pratiqués par le clergé, y compris par certains évêques. C’est surtout à eux de se convertir.

«Rien ne serait plus dommageable qu’un silence douloureux mais résigné»

Or la révélation de certains péchés d’un certain clergé met en évidence un dysfonctionnement structurel dont souffre toute l’Eglise, de sorte que tout le peuple de Dieu doit maintenant prendre en charge, avec la grâce de Dieu, des redressements aussi urgents que nécessaires. Il y va de la crédibilité de notre Eglise dans son pèlerinage actuel en notre histoire. Et pour tout dire, il s’agit de sa docilité aux appels de l’Evangile du Christ et de ses réponses aux signes de l’Esprit.

L’excellent journal La Croix, à titre d’exemples, signale les questions suivantes: quelle place pour les prêtres? quelle place pour les laïcs? comment faire droit à l’égalité de tous devant le baptême? quelle place pour les femmes? où et comment organiser le débat dans l’Eglise? comment assumer les fautes de l’Eglise? (Cf. La Croix du 19 septembre 2018).

La simple lecture de ces thèmes devrait suffire à susciter l’expression libre parmi tous les chrétiens, et même au-delà. Rien ne serait plus dommageable qu’un silence douloureux mais résigné, qu’une indifférence déprimée face aux enjeux de ces graves événements.

«La parole est au peuple! Prenons-la! Exprimons-la!»

C’est pourquoi, de ma modeste place, je fais appel aux chrétiens, personnellement et en communautés, pour qu’ils expriment, en toute liberté et responsabilité baptismales, leurs opinions, leurs réactions et leurs propositions au sujet des indispensables réformes à promouvoir dans notre Eglise. Plus concrètement, qu’ils les envoient à l’évêque suisse qui représentera ses collègues à la prochaine assemblée de février. Nous avons l’espoir que les voix du peuple de Dieu seront entendues et prises en compte. Car rien ne serait plus décourageant qu’une réunion en vase clos, sous une forêt de mitres, sans le témoignage du peuple chrétien et donc sans nous. Plus que jamais: «Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Eglises!» (Ap 2 et 3).

Le pape n’a-t-il pas écrit: «Le seul chemin que nous ayons pour répondre au mal qui a gâché tant de vies est celui d’un devoir qui mobilise chacun et appartient à tous comme peuple de Dieu?»

La parole est au peuple! Prenons-la! Exprimons-la!

Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle, sera le représentant des évêques suisses à l’assemblée de Rome en février prochain.

Claude Ducarroz

2 octobre 2018

Les fidèles sont appelés à s'exprimer sur les scandales des abus sexuels (Photo d'illustration) | © IDEA/Flickr/CC BY-NC-SA 2.0
2 octobre 2018 | 13:29
par Claude Ducarroz
Temps de lecture: env. 2 min.
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