Jean-Jacques Friboulet

Le rêve d’Andréas

Jean-Jacques Friboulet

Permettez-moi de revenir quelques instants sur le drame de l’A320 qui s’est écrasé sur une paroi des Alpes du sud. Impossible de ne pas faire le rapprochement entre Andréas, le copilote allemand, et Icare, qui selon la légende, avait coulé à pic dans la mer parce qu’il avait rapproché ses ailes en cire trop près du soleil. Andréas rêvait depuis son adolescence de devenir pilote de ligne. Il n’en avait pas les capacités physiques. Il n’a pas voulu l’accepter et sa compagnie pas davantage. Le résultat est un suicide et la mort tragique de 150 personnes sur une montagne.

Au-delà des responsabilités qui seront établies par la justice, ce drame pose la question des limites que nous ne savons plus nous construire. L’enseignement social chrétien appelle cela la tempérance et en fait une vertu cardinale. Un jour que j’utilisais ce mot lors d’un séminaire, une étudiante leva le doigt pour me demander sa signification. Elle n’en avait jamais entendu parler à l’école puis à l’université. Carence grave de notre éducation qui n’ose plus parler des contraintes. Non pas celles qui nous sont imposées par les autres ou par la réalité physique qui sont enseignées, mais celles que l’on doit se construire soi-même pour mieux exercer ses potentialités et ses talents. On aura beau établir de nouvelles lois, si l’éducation ne nous aide pas à bâtir nos propres limites, la société tournera de travers et le crash de l’A320 ne sera pas le dernier.

Ce drame est également emblématique de notre société par l’accent mis sur le facteur technique et la négligence du facteur humain. Sous nos latitudes, nos avions sont bien entretenus. Leurs équipements sont excellents mais le facteur humain est négligé. On l’a vu dans cette règle qui permettait à une seule personne de rester dans le cockpit. On le constate dans ces rotations de personnel ultra rapides imposées par les compagnies low-cost, qui ne permettent plus de constituer des équipes. L’être humain est fragile et vulnérable. Il a besoin de l’appui des autres pour exercer son discernement. Un règlement supplémentaire n’y changera rien.

Enfin attardons nous sur cette logique de low-cost qui gagne notre société. En tant que consommateurs nous en profitons. Qui n’a pas utilisé la possibilité d’utiliser EasyJet? Les jeunes et les moins jeunes sont friands de ces vols à bas coût. On sait quelle en est la recette. Le client fait par lui-même toute une série de travaux qui étaient assurés auparavant par le personnel et les coûts d’administration sont réduits au minimum grâce à l’internet. Mais faisons attention à ce que cette logique low-cost, qui ne touche aujourd’hui que des services marchands (transport, tourisme, télécommunications, achats en ligne) ne gagne un jour des services vitaux comme la santé ou l’éducation. Les rapports aux personnes, l’écoute, le dialogue exigent du temps. Ils ne sauraient suivre la logique du low-cost.

«Ce drame pose la question des limites que nous ne savons plus nous construire»
15 avril 2015 | 18:08
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
Crash (7), Germanwings (1), tempérance (2), vertu (15)
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