Jean-Jacques Friboulet

L’emploi inconditionnel

J’emprunte cette formule au professeur J.P.Danthine qui l’a utilisé dans un entretien au Temps. Une autre façon d’exprimer la même idée est de dire qu’il existe un  droit fondamental au travail formulé à l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Jean-Paul II, fidèle en cela à la tradition de l’enseignement social-chrétien, avait rappelé les fondements de ce droit dans l’encyclique Laborem Exercens. Le travail a une double fonction personnelle et collective. Au plan personnel, il permet aux individus de construire leur personnalité et leur identité. On en mesure les bénéfices à travers l’apprentissage qui permet aux jeunes de se construire en rapport aux adultes au moment délicat de l’adolescence. A contrario on mesure les dégâts causés par son absence pour les chômeurs de longue durée. Celui-ci n’a pas seulement des conséquences économiques et sociales, il provoque pour certains une perte grave de repères et d’identité.

La seconde fonction du travail est la contribution au bien commun. Le travailleur produit pour la société. Cette dimension sociale est exprimée par le concept de produit national. La conscience que possède la personne de travailler pour quelque chose ou pour quelqu’un distingue fondamentalement l’activité de l’homme de celle des machines. Cette personnalisation est encore plus forte dans les activités de service où le travail est véritablement créateur de relations humaines.

Le capital doit être un outil au service du travail.

L’économie capitaliste a toujours voulu minimiser ces deux dimensions du travail en considérant ce dernier comme une simple marchandise que l’on achète et vend sur un marché. L’enseignement social-chrétien a toujours combattu cette volonté de mettre sur le même plan le travail et le capital. Le capital doit être un outil au service du travail. En faire une fin en soi, c’est le transformer en idole et propager un matérialisme aussi dangereux pour la société que le matérialisme marxiste.

Une dernière propriété du travail doit être notée. Elle est mise en lumière par la philosophe H. Arendt. Le travail s’inscrit dans une logique de production-consommation. Depuis les origines de l’économie politique, les grands auteurs ont mis l’accent sur la relation unissant l’acte de produire à l’acte de consommer. Le premier crée des valeurs, le second les détruit. Produire et consommer sont deux actions complémentaires. C’est ce qu’affirmait A.Smith qui fondait l’échange sur la division du travail. Tôt ou tard l’exclusion d’une partie de la population du travail provoque l’exclusion de cette même population  de l’échange. En ce sens le chômage est une pathologie de la vie économique et la société doit utiliser tous ses moyens pour le combattre.

Un second argument peut être avancé au bénéfice du couple production-consommation. L’être humain est un être de besoins. Il est soumis à la nécessité de se nourrir, de se vêtir, de se loger… Le couple production-consommation est le reflet de cette réalité. L’être humain ne peut consommer sans produire sauf à constituer une société vivant aux dépens des autres (esclaves, colonies) comme la société romaine. Les seules exceptions à cette règle  concernent  les personnes dans l’incapacité de travailler: enfants, malades, personnes âgées. Faire échapper la consommation aux lois de la production est un rêve qui a nourri à travers les siècles diverses utopies.

En ce dimanche 1er mai, l’Eglise a  fêté, chez Joseph, tous les travailleurs et travailleuses. Je souhaite que ces quelques considérations vous fassent mieux comprendre, chère lectrice, cher lecteur, l’importance du travail dans la vie sociale.

Jean-Jacques Friboulet | 1er mai 2016

«L’être humain ne peut consommer sans produire sauf à constituer une société vivant aux dépens des autres» (photo: flickr/hugojcardoso/CC BY-NC-ND 2.0)
2 mai 2016 | 11:52
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
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