Damien Savoy

Les CD à l'église: une musique en boîte de conserve...

Lorsque nous allons au restaurant, que ce soit pour un mariage, un anniversaire, une sortie de couple ou familiale ou simplement pour le plaisir de bien manger, nous nous attendons à déguster des produits frais et de qualité, préparés avec soin et passion par des cuisiniers compétents et amoureux de leur métier. Cette attente est si largement partagée dans le public que des émissions télévisées de plus en plus nombreuses glorifient l’art de la cuisine. Or, il y a quelques mois, j’ai souvenir d’avoir vu une autre émission de la télévision française, bien moins glorieuse. Il y était question de l’emploi de conserves au restaurant. Imaginez la situation: vous payez un prix conséquent pour un excellent petit plat, et l’on vous sert de la nourriture achetée en boîtes dans un géant de la distribution…

Ce qui choque au restaurant devrait aussi choquer dans le domaine de la musique liturgique. Lorsque nous allons dans une église, que ce soit pour un mariage, un enterrement ou une messe dominicale, nous avons besoin de belle musique pour nous aider dans notre méditation et pour élever nos âmes. Organistes, instrumentistes, chanteurs, tous cherchent à donner le meilleur d’eux-mêmes pour aider les fidèles à prier. Pourtant, trop souvent, à la musique en direct, on préfère la musique enregistrée. L’assemblée, loin de se laisser élever par de la vraie musique, reste passive à «attendre que ça passe»… On est alors dans la même attitude que dans les boutiques où l’on nous sert en permanence une sorte de bruit de fond dont on se passerait bien. Certes, certaines paroisses n’ont pas de chœur mixte ni d’organiste. Le CD devient alors la moins mauvaise solution, et on peut encore le tolérer. Mais que dire des innombrables mariages et funérailles où l’on passe le dernier tube à la mode par choix délibéré?

En tant qu’organiste, j’ai plusieurs fois été en concurrence avec la stéréo lors de mariages. Lorsque l’organiste est décommandé au dernier moment parce que l’on préfère finalement mettre sa chanson préférée pour entrer dans l’église, n’est-ce pas regrettable? Si des couples demandent de se marier dans une église, ne devrait-on pas leur faire comprendre que certaines musique conviennent mieux que d’autres à la dignité du lieu et à l’importance du rite?

L’autre situation typique, c’est la célébration de funérailles où les musiciens, pourtant convoqués, se tournent les pouces alors même que l’on passe un disque que le défunt écoutait souvent et appréciait. Il devient très rare aujourd’hui qu’un enterrement se célèbre sans concours du lecteur de disques. On se prend à se demander si ce passage obligé fait partie du rite. Bien souvent, la famille semble regretter, car une musique inadaptée à l’église dérange, et parce qu’écouter un disque dans sa voiture ou dans son salon est bien différent de l’entendre lors d’une célébration de funérailles.

On peut comprendre les raisons qui poussent les gens à faire entrer la musique enregistrée dans nos liturgies. On veut aujourd’hui des célébrations qui ressemblent à notre quotidien, bien souvent parce que l’Eglise ne fait plus partie de ce quotidien, et qu’elle fait un peu peur. Comme dans les restaurants peu scrupuleux dont nous parlions ci-dessus, nous nous retrouvons à consommer de la musique en conserve. Quelle que soit sa qualité, la musique enregistrée n’a pas de spontanéité: elle sonnera toujours la même chose. Un musicien ou un choriste transmet son émotion à l’assemblée, ce qu’un disque ne peut pas faire. Certes, la musique en direct peut mener à des imprévus. La fausse note ou l’imperfection est toujours possible, mais elle passera toujours mieux qu’un disque rayé en plein enterrement!

5 septembre 2013 | 20:34
par Damien Savoy
Temps de lecture: env. 2 min.
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