Marie-Christine Varone

L'évangile de dimanche: Des pains au pain de vie

Jn 6,24-35

Vers une révélation

Après la multiplication des pains Jésus propose un long entretien (qui se poursuivra lors des trois prochains dimanches), empreint de solennité (cf. la formule: «en vérité, en vérité je vous le dis» des vv.26 et 32).

Une parole qui circule

Le discours de Jésus (26-27; 29; 32-33; 35) est entrecoupé de questions et de requêtes émanant des foules présentes (25.28.30.34). Ces apparentes interruptions donnent à Jésus l’occasion d’aller toujours plus loin dans la révélation.

C’est le thème du pain qui unifie notre passage.

Tout part des pains que les foules ont mangés et qui les ont rassasiées (6,1-15). Fortes de cette expérience elles cherchent Jésus (24-25). Et là déjà (26) on devine que le signe des pains n’a pas été accueilli, puisqu’il n’a pas conduit les bénéficiaires à s’interroger sur le donateur. D’où, l’incitation de Jésus (27) à oeuvrer non pour la nourriture périssable, mais pour une nourriture – étrange pour l’instant – qui demeure (ce qui n’est pas le cas des aliments) en (ou pour) vie éternelle, le bien suprême auquel l’homme aspire.

Cette mystérieuse nourriture sera donnée par l’Envoyé du Père en qui il s’agit de croire (29-30).

Un précédent et un dépassement

Les foules mentionnent alors (31) un autre pain, venu du ciel: la manne, donnée aux pères lors de leur séjour au désert (cf. Ex 16). Cette allusion permet à Jésus (32) de préciser que le donateur n’était pas Moïse, mais bien son Père. Le pain de Dieu qui descend du ciel, celui dont il parle, ne se contente pas de nourrir comme l’a fait la manne pour les Hébreux ou les pains pour la foule (12-13). Ce pain donne la vie au monde.

Ce pain de Dieu, donné par le Père, n’est rien moins que le Christ lui-même – bel et bien venu du ciel, d’auprès de Dieu, en son incarnation (cf. le prologue de cet évangile). Il est au service de la vie (comme l’est toute nourriture), mais ne se contente pas de l’entretenir (comme le font les autres aliments). Il la donne gratuitement et universellement (au monde).

Une équivoque

Les foules (34) veulent bien du pain dont parle Jésus, mais elles n’ont pas encore saisi de quel pain il s’agit.

… levée

Jésus va donc le leur révéler en une formule étonnante (35a), propre au quatrième évangile, composée du verbe être à la première personne et d’une métaphore (autres formules du même type en 8,12 et 9,5; 10,7.9; 10,11.14; 11,25; 14,6; 15,1.5) : «Moi je suis le pain de vie«.

Jésus se déclare donc, en son incarnation et en sa parole, comme la source de vie, le bien par excellence.

Pour en bénéficier, il faut venir à lui et croire en lui (35b) et tout besoin (suggéré par la faim et la soif) sera comblé.

Le texte en nous

Frères et soeurs des foules nous sommes tentés d’en rester à la même vue trop courte, nous contentant d’une compréhension trop humaine. Sous prétexte que Jésus n’est pas du pain et que ce rapprochement est incongru, nous risquons de ne pas l’accueillir en son être, son existence (culminant dans sa mort et sa résurrection) et sa parole, et donc de passer à côté de la vraie vie qu’il nous offre.

Si au contraire, répondant à son invitation, nous venons à lui et ouvrons notre coeur à sa présence (ce que Jean nomme «croire»), la relation avec le Verbe fait chair ira s’approfondissant. Il comblera nos besoins, alors que le désir, lui, se creusera, tout en demeurant toujours insatisfait tant que nous cheminerons ici-bas.


Évangile de Jésus Christ selon saint Jean

En ce temps-là,
quand la foule vit que Jésus n’était pas là,
ni ses disciples,
les gens montèrent dans les barques
et se dirigèrent vers Capharnaüm
à la recherche de Jésus.
L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent :
« Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? »
Jésus leur répondit :
« Amen, amen, je vous le dis :
vous me cherchez,
non parce que vous avez vu des signes,
mais parce que vous avez mangé de ces pains
et que vous avez été rassasiés.
Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd,
mais pour la nourriture qui demeure
jusque dans la vie éternelle,
celle que vous donnera le Fils de l’homme,
lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. »
Ils lui dirent alors :
« Que devons-nous faire pour travailler aux œuvres de Dieu ? »
Jésus leur répondit :
« L’œuvre de Dieu,
c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. »
Ils lui dirent alors :
« Quel signe vas-tu accomplir
pour que nous puissions le voir, et te croire ?
Quelle œuvre vas-tu faire ?
Au désert, nos pères ont mangé la manne ;
comme dit l’Écriture :
Il leur a donné à manger le pain venu du ciel. »
Jésus leur répondit :
« Amen, amen, je vous le dis :
ce n’est pas Moïse
qui vous a donné le pain venu du ciel ;
c’est mon Père
qui vous donne le vrai pain venu du ciel.
Car le pain de Dieu,
c’est celui qui descend du ciel
et qui donne la vie au monde. »
Ils lui dirent alors :
« Seigneur, donne-nous toujours de ce pain-là. »
Jésus leur répondit :
« Moi, je suis le pain de la vie.
Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ;
celui qui croit en moi n’aura jamais soif. »

«Jésus se déclare, en son incarnation et en sa parole, comme la source de vie, le bien par excellence»
31 juillet 2015 | 17:13
par Marie-Christine Varone
Temps de lecture: env. 4 min.
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