L'Evangile de dimanche: Qui nous fera voir le bonheur?

Mt 5, 1-12a

Béatitudes et bonne nouvelle – autrement dit évangile – font résonner à nos oreilles le même mot: bon. Et si l’on préfère traduire évangile par heureuse annonce, la consonance avec le texte de ce dimanche est encore plus explicite: Heureux… Pour célébrer ceux, les saints, qui ont joué la partition de l’Evangile, la liturgie nous fait entendre la note fondamentale de celui-ci: Heureux…

Lorsqu’au début de l’évangile selon Matthieu, solennellement, Jésus ouvre la bouche, c’est pour inaugurer son enseignement par des promesses de bonheur. Elles en sont le prélude et en donnent la note. Les trois chapitres qui suivent (Mt 5 à 7) déploient cette ouverture et balisent les rudes chemins de la pureté de cœur, de la miséricorde et de la douceur qui conduisent à ce bonheur.

Puisque cet enseignement forme un tout, allons voir comment il se termine: comment Jésus conclut, comment réagit la foule. Celle-ci est frappée, car Jésus enseigne en homme qui a autorité (8, 29). A quoi reconnaît-on une parole qui fait autorité? On dira d’un expert: on voit qu’il est du métier, il sait de quoi il parle… Quand Jésus proclame: Heureux les pauvres de cœur, les doux, les miséricordieux,… il parle d’expérience. Il déroule les harmoniques de son propre bonheur de Fils et de frère aîné.

Quant à la conclusion que Jésus donne à son enseignement, c’est une invitation à l’écouter et à le mettre en pratique, littéralement à le faire (8, 24), lui donner consistance, lui donner chair, pourrait-on dire. Donner chair aux promesses de bonheur que sont les béatitudes ne serait-ce pas d’abord une question de confiance ? Se fier à cette parole qui proclame que pratiquer la miséricorde, cultiver la douceur, construire la paix,… sont chemins de bonheur. Oser croire celui qui parle ainsi, en connaissance de cause.

Si les béatitudes sont à pratiquer c’est aussi que le bonheur qu’elles promettent n’a rien à voir avec celui que vantent les agences de voyage: sable fin, mer bleue et cocotiers… Il ne dépend pas des circonstances et des conditions extérieures. Il se construit dans le secret du cœur. Il est à la fois le fruit de la grâce – une grâce qui coûte (Dietrich Bonhoeffer) – et celui d’un combat contre tout ce qui le dénature et que pointe la suite du sermon sur la montagne: paroles assassines, convoitise du regard et du cœur, désir de paraître, jugement sans miséricorde… Son terrain privilégié d’application: le quotidien des relations avec autrui.

Au cœur de l’Evangile – heureuse annonce –, les béatitudes répondent à l’interrogation, toujours actuelle, du psaume 4: Qui nous fera voir le bonheur? Le dernier chapitre de l’encyclique Laudato si’, qui appelle à rompre avec la logique de la violence, de l’exploitation, de l’égoïsme et invite à vivre une sobriété heureuse, trace pour aujourd’hui un chemin aux couleurs des béatitudes.

Jeanne-Marie d’Ambly | 30.10.2015