Marie-Christine Varone

L'Evangile de dimanche: Un programme exigeant

Mc 9, 38-43.45.47-48

Contre l’esprit de clocher (38-40)

Les disciples, jaloux de l’identité de leur groupe (ils sont ceux qui suivent Jésus) et du pouvoir reçu (»nous«!), ont exercé une censure vis-à-vis d’un utilisateur du nom de Jésus. Ils s’en vantent auprès de leur Maître qui oppose un désaveu net à leur manière de faire: «ne l’empêchez pas«; cet homme, en «chassant les démons», fait reculer l’anti-royaume de Satan.

Jésus repère donc une forme d’adhésion chez celui qui fait un miracle en son nom et estime que celui qui se réfère à sa puissance ne saurait ensuite le disqualifier (39).

A l’appui de cette déclaration, le Christ cite une sentence (40) qui fait éclater la vision étroite des disciples: «qui n’est pas contre nous est pour nous».

Récompensé (41)

Ce verset qui parle de manière solennelle (»en vérité je vous le dis») de la récompense accordée à celui qui désaltérera quelqu’un du Christ (quelqu’un qui lui appartient) paraît sans rapport avec le contexte. Peut-être Marc l’a-t-il introduit là, car la question de la rétribution est importante dans la suite du discours (43-48).

Scandaliser un petit (42)

Tout s’organise autour du verbe scandaliser, c’est-à-dire être obstacle sur le chemin de l’autre (42) ou de soi-même (43-48).

Freiner, voire rendre impossible, la route de quelqu’un de fragile (petit ou faible) qui croit au Christ est si grave, qu’il vaudrait mieux pour l’auteur de ce scandale périr noyé dans la mer. La mort serait pour lui bien moins grave que la responsabilité coupable…

Des mesures radicales (43-48)

Il y a aussi en l’homme des sources possibles d’infidélité (de scandale). Le texte cite trois membres (pour désigner la totalité de l’être): la main (avec laquelle on peut prendre, accaparer), le pied (avec lequel on peut se diriger vers ce qui n’est pas le bien), l’oeil (qui peut convoiter, désirer indûment). Plutôt que de succomber, le Christ propose une voie meilleure (»il est bon pour toi«): renoncer à ce qui risque de conduire au péché en coupant ou arrachant le membre incriminé.

La suggestion est violente, voire difficile à recevoir. Si Jésus suggère plutôt la diminution physique (manchot, estropié, borgne) que l’infidélité, c’est que l’avenir de l’homme est en cause. Céder conduit à la perte: la géhenne, un lieu de perdition et de tourment (où il y a feu et atteinte par les vers dit la citation d’Is 66,24 au v. 48, pour suggérer l’horreur).

A l’inverse la fidélité, onéreuse puisqu’elle peut impliquer une forme de mutilation de soi-même, conduit à la vie (sous-entendue: éternelle) et au royaume de Dieu, c’est-à-dire au bonheur plénier.

A l’encontre de la vision ambiante

Voilà qui va frontalement à contre-courant d’une certaine manière de penser qui prône essentiellement l’épanouissement personnel (parfois jusqu’au mépris des autres et de leurs besoins) et d’un refus d’envisager l’avenir – et surtout le jugement – sous prétexte que Dieu étant amour il sauvera tout le monde, indépendamment de la réponse personnelle donnée.

Or Jésus dit: si tu veux la vie, fais des choix qui vont dans ce sens. Ce que tu vis ici-bas est important. Ton avenir s’y joue. Il y a des options onéreuses, des renoncements douloureux (qui peuvent apparaître comme des mutilations) qui appartiennent à la vie du disciple du Christ.

A l’inverse, freiner le chemin de foi d’un «petit» par un comportement contraire à l’Evangile, pactiser avec l’infidélité au mépris de la Parole, ces attitudes peuvent compromettre l’accès à la joie éternelle.


Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là,
Jean, l’un des Douze, disait à Jésus :
« Maître, nous avons vu quelqu’un
expulser les démons en ton nom ;
nous l’en avons empêché,
car il n’est pas de ceux qui nous suivent. »
Jésus répondit :
« Ne l’en empêchez pas,
car celui qui fait un miracle en mon nom
ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ;
celui qui n’est pas contre nous
est pour nous.
Et celui qui vous donnera un verre d’eau
au nom de votre appartenance au Christ,
amen, je vous le dis,
il ne restera pas sans récompense.
Celui qui est un scandale, une occasion de chute,
pour un seul de ces petits qui croient en moi,
mieux vaudrait pour lui qu’on lui attache au cou
une de ces meules que tournent les ânes,
et qu’on le jette à la mer.
Et si ta main est pour toi une occasion de chute,
coupe-la.
Mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie éternelle
que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux mains,
là où le feu ne s’éteint pas.
Si ton pied est pour toi une occasion de chute,
coupe-le.
Mieux vaut pour toi entrer estropié dans la vie éternelle
que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux pieds.
Si ton œil est pour toi une occasion de chute,
arrache-le.
Mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de Dieu
que de t’en aller dans la géhenne avec tes deux yeux,
là où le ver ne meurt pas
et où le feu ne s’éteint pas. »

(Peinture: bernadette.lopez@evangile-et-peinture.org)
25 septembre 2015 | 14:29
par Marie-Christine Varone
Temps de lecture: env. 3 min.
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