Jean-Jacques Friboulet

L’Union européenne, entre concurrence et solidarité

Jean-Jacques Friboulet | Le marché a besoin pour fonctionner de la concurrence, mais la solidarité est nécessaire à la société. Le pape François a rappelé cette seconde vérité aux dirigeants de l’Union européenne réunis fin  mars à Rome pour les 60 ans du traité fondateur du Marché commun.

Rappelons quelques faits. Au début du Marché commun dans les années 1960, celui-ci conjuguait l’outil de la concurrence (la suppression des barrières douanières pour les produits industriels) et deux mécanismes de solidarité : la création de fonds structurels, pour l’équipement des régions les plus pauvres, et la politique agricole commune qui instaurait des prix plus élevés que les prix mondiaux pour les paysans européens. Ce deuxième mécanisme a peu à peu été supprimé sous la pression des pays de l’Europe du Nord et du Royaume-Uni. Il a été remplacé par la création de l’Euro qui a créé une vive concurrence entre les agriculteurs des différentes régions européennes. Mais l’Euro a surtout provoqué la divergence des économies du Nord et du Sud, les secondes devenant le réceptacle des produits industriels du nord de l’Europe. Le Sud s’est en conséquence lourdement endetté .Cet endettement a été aggravé par la crise financière de 2008.

En réponse à cet endettement et pour éviter une crise de l’Euro, les pays du nord de l’Europe ont beaucoup prêté en particulier à la Grèce. En sus des fonds structurels est apparu un second mécanisme de solidarité, non demandé par les pays et les populations, qui est le portage par la banque européenne des dettes de certains Etats et l’émission massive de monnaie. A la place de la politique agricole commune dont les agriculteurs voyaient directement les effets dans leur portefeuille, est apparu un mécanisme anonyme qui ne profite qu’aux Etats fortement endettés à la condition que ceux-ci soumettent leur population à un régime drastique : baisse des salaires et des pensions, hausse des impôts et des taxes, coupes dans les dépenses publiques, privatisations…

Le souverain pontife a donc eu raison de rappeler l’Europe à la solidarité puisque celle-ci se limite pour les citoyens aux fonds structurels dont bénéficient largement les pays d’Europe centrale et orientale. La montée des partis populistes et le Brexit créent paradoxalement des conditions plus favorables à cette solidarité. La première ne peut provoquer qu’une meilleure protection des produits agricoles européens quand les Etats mesureront la force du vote d’extrême droite dans les campagnes, par exemple en France. Le second limitera la force des lobbies favorables à une concurrence extrême, puisque les Anglais ont toujours voulu une Europe purement marchande et une très forte limitation des budgets européens.

Comment pourrait se manifester dans l’immédiat ce regain de la solidarité? L’urgence serait la réduction de la charge de la dette pour les pays du sud de l’Europe. Celle-ci peut prendre la forme de réduction des taux d’intérêt, de reports d’échéances et même de moratoire sur une partie des créances. L’Allemagne, pour le moment, refuse d’entrer en matière. Il faut espérer qu’elle comprendra qu’in fine c’est la condition d’une adhésion à l’Union des populations concernées.

La solidarité pourrait prendre aussi la forme d’une mutualisation des dépenses de sécurité et de défense. Les Européens ont pris conscience que leurs intérêts en la matière sont communs. Les menaces croissantes venant du Moyen-Orient et de la Russie leur feront peut-être accepter très vite un partage du fardeau des dépenses en la matière.

5 avril 2017 | 09:23
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
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