Bernard Litzler

«Monstruosité absolue»

Ras le bol de ces affaires de pédophilie dans l’Eglise! Pourtant le livre du Fribourgeois Daniel Pittet cartonne et France 2, avec Cash Investigation du 21 mars, interpelle à nouveau l’Eglise de France… Mais un mouvement apparaît dans l’opinion: «Arrêtez de nous ›bassiner’ avec ces histoires», nous ont fait savoir plusieurs amis de Cath-Info.

En faisons-nous trop? La question est posée. De fait, la couverture ample du livre de Daniel Pittet (Mon Père, je vous pardonne, Ed. Philippe Rey) a remis le projecteur sur la manière dont l’Eglise a fait face aux abus des prêtres pédophiles. Il eût été surprenant que Cath-Info l’ignorât, d’autant que les abus ont longtemps bénéficié en Suisse d’un silence intolérable.

Aujourd’hui, le contexte a changé. Il est de bon ton de se jeter à bras raccourcis sur les évêques pour faire parler la «grande Muette», longtemps sourde aux cris des victimes et aveugle sur les agissements de certains. Cash Investigation a fourni, ce mardi, un exemple de harcèlement «inversé». Les évêques français et même le pape ont eu droit à ces «interviews» arrachées entre deux portes, deux avions ou à l’audience de la Place St-Pierre par des journalistes transformés en détectives. Pour ces derniers, aucun obstacle, quitte à bafouer les règles de la profession et à se mettre en scène comme les justiciers vengeurs.

Les sentiments sont partagés après deux heures d’une enquête coûteuse. D’un côté, les agissements répréhensibles de quelques abuseurs ont été réactualisés. Avec la même impression de dégoût qui prévaut à la lecture du livre de Daniel Pittet. Le pape parle d’ailleurs, dans sa préface, de «monstruosité absolue», de «péché effroyable radicalement contraire à tout ce qu’enseigne le Christ». De l’autre côté, le film de Cash Investigation véhicule la désagréable sensation d’atteintes à la déontologie, comme l’affirment les évêques de France. Parler d’«exfiltration» de prêtres, un terme utilisé dans le monde de l’espionnage, est pour le moins abusif. Comme est abusif le recours aux caméras cachées, trop systématique. Curieusement, les démarches de repentance de plusieurs conférences épiscopales sont tues, à part le geste du cardinal Barbarin à Lyon.

Et le bien de l’Eglise, son action sociale et éducative, son invitation permanente à suivre le Christ, ce bien mérite-t-il un silence équivalent à celui des abus, durant des décennies? En étant aveugles sur ces aspects positifs et sourds à l’appel au respect de l’éthique, les enquêteurs français ont oublié que l’excès de dénonciations violentes peut aussi devenir un abus. Celui de notre conscience ouverte et justement informée.

Bernard Litzler | 23 mars 2017

Comment un prêtre, consacré pour amener un enfant à Dieu, peut-il le dévorer dans un 'sacrifice diabolique'? s'interroge le pape François (photo Maurice Page)
23 mars 2017 | 13:58
par Bernard Litzler
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