Jean-Jacques Friboulet

Valeurs et convictions

J’ai été voir récemment un excellent film roumain, Baccalauréat, ou le héros, un médecin, se débat avec un problème contemporain: la corruption. Pour faire accéder sa fille à une université étrangère, celui-ci se compromet et la compromet dans un arrangement avec une autorité corrompue.

Ce film m’a touché car le héros m’est apparu caractéristique des difficultés de notre monde contemporain en matière d’éthique. Ce médecin est honnête et, dans sa jeunesse, il est retourné vivre dans son pays pour l’aider à sortir du communisme. Il sait également se faire proche de ses patients. Mais confronté à l’avenir qu’il désire pour sa fille, il ne sait plus distinguer le mal du bien. Il est pris dans une question morale et patauge dans ses valeurs. Dans ses discussions avec son épouse, qui n’est pas d’accord avec son choix de la corruption, il expose sa vision négative de son pays et la nécessité qu’il y a pour sa fille de s’expatrier, d’autant plus qu’elle a obtenu une bourse à cette fin.



On pourrait réduire le problème posé à celui classique de la fin et des moyens. Peut-on atteindre une fin favorable par des moyens illicites? La question est déjà intéressante tant notre société est basée aujourd’hui sur une culture du résultat immédiat qui écarte souvent toute autre considération. La question des moyens choisis est pourtant primordiale y compris du point de vue de la qualité et de la durabilité du résultat. Mais la réflexion peut se poursuivre et toucher la question de la hiérarchisation des valeurs.

Il est de bon ton aujourd’hui d’avoir des valeurs. Ce disant, on enfonce une porte ouverte car tout un chacun agit selon ses valeurs. La question est la mise en pratique de ces valeurs donc de leur hiérarchisation. Quelles valeurs dois-je placer en premier et donc comment agir? Ce type de valeurs primordiales s’appelle des convictions. Le héros du film manque de conviction. Il ne sait pas ou ne sait plus, en raison du contexte social dans lequel il vit, ce qui est prioritaire.

Cette question des priorités morales, chacun d’entre nous se les pose à un moment de sa.vie. Elles permettent de construire notre responsabilité. Les deux questions essentielles sont à ce niveau : de quoi ai-je à répondre et à qui ai-je à répondre? La première question est posée par le héros du film mais il ne peut y répondre faute d’une priorité dans ses valeurs. La deuxième question est la plus importante Le médecin finit par la formuler contre sa volonté à la fin du film quand le mal sera fait. Dans l’action j’ai effectivement à répondre à ma conscience mais aussi à autrui qu’il soit ou non en situation de me questionner. Etre responsable ce n’est pas simplement respecter mes convictions mais répondre à l’autre de mes actes, si possible dans un vrai dialogue.

Cette question des convictions est particulièrement cruciale aujourd’hui en Europe occidentale en ce qui concerne l’euthanasie. Les catholiques y sont opposés en raison de leur foi en Dieu. Ils sont convaincus que leur vie ne leur appartient pas. Mais ils doivent parler de cette conviction avec les personnes qui ne la partagent pas et en faire percevoir la source Tâche éminemment difficile qui suppose un travail d’accueil et d’écoute de l’opinion de l’autre.

Jean-Jacques Friboulet | 14.12.2016

Baccalauréat de Cristian Mungiu ou la question classique des moyens et de la fin (© détail de l'affiche du film)
14 décembre 2016 | 10:27
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
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