Jean-Jacques Friboulet

Retour sur la RIE III ou l’accent mis sur le Bien commun

Nos concitoyens ont massivement rejeté la réforme fiscale proposée par le parlement. La surprise des partis bourgeois a été grande. Il suffisait pourtant de se promener dans les bistrots quelques jours avant le scrutin pour comprendre que l’objet proposé allait être rejeté. Il souffrait de deux graves défauts et d’une absence de prise en compte du Bien commun.

Le premier défaut a été souligné par plusieurs journaux. Il chargeait par trop la barque de la classe moyenne au bénéfice des grandes entreprises en particulier multinationales. Au-delà du taux proposé (entre 13% et 15%), ce qui a choqué les Suisses, c’est la multitude d’échappatoires inscrites dans le projet qui permettait aux très grandes firmes de se soustraire pour 80 % à l’impôt. Les déductions très supérieures aux frais réels engagés et même sans frais réels du tout (les fameux intérêts notionnels) n’ont pas été acceptées par le citoyen contribuable qui sait que les fiscs cantonaux ont souvent bien de la peine à prendre en compte les dépenses engagées pour les études de ses enfants ou les caisses-maladie.

«Le parlement devra faire de la macroéconomie»

Le second défaut du projet était le manque d’informations sur son coût pour les Cantons et les communes. Aucun chiffre précis ne figurait dans la brochure distribuée par la Confédération et ceux donnés par la presse étaient lacunaires. Il fallait lire attentivement certains journaux et en particulier le courrier des lecteurs pour s’apercevoir qu’aucune compensation de la perte prévisible n’était prévue pour les communes dans la plupart des Cantons (Vaud excepté). Or les citoyens savent que les communes sont le dernier maillon dans notre Etat fédéral. Les pertes prévues auraient nécessairement conduit à une hausse de certains impôts communaux. On peut d’ailleurs s’interroger sur cette absence de données chiffrées pour des pertes prévues en dizaines de millions alors que le moindre conseil communal est obligé de fournir un plan financier détaillé à ses habitants ou à leurs représentants pour tout investissement de quelques dizaines de milliers de francs.

Le rejet de ce projet par la classe moyenne a été aussi massif, non à cause d’un prétendu populisme, mais parce que celle-ci a déjà été l’objet de prélèvements supplémentaires, soit au nom de plans d’économie cantonaux (cas de Fribourg et Neuchâtel), soit en raison de l’augmentation continuelle des primes d’assurance-maladie ou à cause de l’augmentation de certaines taxes et frais d’inscription dans les établissements publics.

Si l’on regarde vers l’avenir, il est certain que la transition énergétique provoquera des dépenses supplémentaires pour nos concitoyens en raison de l’augmentation des taxes sur l’essence et du prix de l’électricité. Le coût de la santé va continuer d’augmenter à cause du vieillissement de la population. Il serait donc malvenu de surcharger la classe moyenne par une hausse des impôts. C’est sur cette base que le parlement devra reformuler un projet. Il devra prendre en compte la totalité des charges incompressibles des ménages et non telle ou telle dépense. Il devra faire de la macroéconomie, c’est-à-dire raisonner sur l’ensemble du pays et non travailler au bénéfice de tel ou tel secteur.

Les Suisses ont voté non à la RIE III à 59,1% (illustration: usv-vaud.ch)
21 février 2017 | 18:30
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
Partagez!