Jean-Jacques Friboulet

La taille du service public

C’est le moment de tailler les arbustes et de ramasser les feuilles mortes. Mme Susanne Ruoff a décidé de pratiquer un autre type d’élagage, celui des bureaux de poste. Selon un plan dévoilé cette semaine, elle veut réduire le nombre de bureaux de près de moitié (1400 à 800) avec à la clé la suppression de 1200 emplois. Certes la Poste s’engage en contrepartie à ouvrir 400 agences postales dans les commerces, mais ces agences ne peuvent réaliser l’ensemble des opérations postales, en particulier le versement d’espèces. Outre les ménages, seront prétéritées les PME locales.

On va donc assister à une coupure de la clientèle en deux. Les clients des villes auront la chance de bénéficier d’un service public complet, celle des campagnes verra les services de la poste diminuer.

«Le plan proposé par la Poste est un coup de canif donné dans le contrat social qui unit les membres de notre communauté nationale»

Ce faisant la Poste suisse va perdre une caractéristique essentielle du service public qui est l’égalité d’accès des citoyens à ses prestations. Les raisons de cette évolution sont bien connues. La révolution technologique qui a substitué le mail au courrier et la sacro-sainte concurrence qui place la Poste sous la pression de messageries privées en particulier pour les colis. La première est inéluctable, la seconde ne l’est pas. Elle est le fruit des lois votées à Berne. Par définition un service public ne peut être rentable à la manière d’une entreprise privée. Demande-t-on à la police ou à la justice d’être rentables? Pour la Poste le choix d’une rentabilité à tout crin est d’autant moins justifié qu’elle bénéficie d’une autre branche d’activité, Postfinance qui dégage d’excellents bénéfices. Serait-il inimaginable qu’une petite partie de ces bénéfices serve au maintien d’un service public véritablement universel?

On voit donc que le choix est ici politique et non technique comme certains voudraient le faire croire. Mme Susanne Ruoff profite à plein de l’échec de l’initiative pro service public du mois de juin, donnant a contrario raison aux initiants. Elle sait également que sa fenêtre de tir se termine en 2020 avec le mandat de l’actuelle Assemblée fédérale. Nul ne sait si la future assemblée sera aussi favorable que l’actuelle à un surcroit de libéralisation dans les services publics. Alors elle abat l’ensemble de ses cartes. Les conseils communaux vont réagir de même que les députés mais cela ne servira pas à grand-chose. Mme Ruoff mettra en œuvre son plan. Seule une réaction véritablement citoyenne serait de nature à changer la donne.

Nous avions souligné, dans une chronique précédente, la contribution importante des services publics au bien commun. Certes l’accès de tous aux services postaux est moins vital que l’accès à l’éducation ou à la santé. Mais le plan proposé par la Poste est un coup de canif donné dans le contrat social qui unit les membres de notre communauté nationale. En matière de service public il ne peut y avoir de citoyens de seconde zone. Toute autre politique crée des fractures sociales dont les conséquences sont graves à long terme, en particulier la désertification de certaines régions avec sa conséquence inéluctable le développement du populisme. M. Schwaller dont on connait les convictions chrétiennes et qui préside maintenant le conseil d’administration de la Poste devrait réfléchir à ce vent de libéralisme qui souffle sur ses services.

Jean-Jacques Friboulet | 02.11.2016

«La Poste suisse va perdre une caractéristique essentielle du service public»
2 novembre 2016 | 15:24
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 2 min.
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