Jean-Blaise Fellay

Terrorisme et Néant

L’attentat de Ouagadougou fait partie de la longue liste des violences islamistes. Il n’est ni le premier ni le dernier, mais j’ai trouvé particulièrement choquante la présence parmi ses victimes de deux Suisses. En visant un restaurant et un hôtel, les terroristes voulaient atteindre des touristes occidentaux et provoquer ainsi l’attention des médias internationaux. Car tel est leur but premier: faire parler d’eux et susciter l’horreur. Objectif atteint.

Leur but plus lointain, c’est l’expansion de l’Islam. Est-ce que le crime de Ouagadougou peut le servir? Oui, dans un premier temps. Il montre la force du groupe islamique, sa détermination, sa capacité d’agir un peu partout sur la planète, la pression qu’il peut exercer sur l’Afrique de l’Ouest. Se faire respecter, créer la peur, intimider les adversaires, s’imposer comme un interlocuteur incontournable, c’est une réussite politique incontestable. Proclamer le nom d’Allah avant de mourir, c’est une forme évidente de témoignage et démontre que l’on n’hésite pas à donner sa vie pour une foi religieuse.

Par contre, se faire détester n’apporte pas que des avantages. Les braves gens s’inquiètent, les tièdes se secouent, des alliances se nouent, des courageux prennent la parole, des actifs s’organisent. Cela prend du temps, mais petit à petit le climat change, un raffermissement intellectuel et moral s’installe. La société se réorganise. Attention à la colère des honnêtes gens, elle s’avère plus puissante à la longue que la violence aveugle des terroristes.

Je reviens à la terrasse de Ouagadougou, où nos amis Rey et Lamon sont attablés. Ils viennent ici régulièrement pour s’occuper d’une institution d’aide sociale. Ils sont nombreux les Suisses qui donnent du temps et de l’argent dans des actions sociales et caritatives en Afrique. Les journaux n’en parlent jamais, eux-mêmes restent discrets. Par contre, ceux qui en bénéficient, les enfants surtout, le savent très bien. Et leurs sourires sont la vraie récompense des bienfaiteurs.

Que pensent aujourd’hui ces petits de l’action des islamistes?

Or ce sont de très jeunes djihadistes qui ont perpétré le massacre. Ils sont indifférents à ceux qu’ils tuent, ils sont insensibles au chagrin de leur propre famille, ils négligent même totalement leur propre vie. Ils sont complètement donnés à leur cause: un Absolu qui mange ses enfants. La violence aveugle du comportement dévoile le Néant qui les inspire.

Jean-Blaise Fellay | 18.01.2016

L'hotel Splendid de Ouagadougou, au lendemain de l'attaque terroriste
18 janvier 2016 | 14:07
par Jean-Blaise Fellay
Temps de lecture: env. 2 min.
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