Thierry Collaud

Transparence ecclésiale

Le processus synodal tel qu’il se cherche et s’expérimente actuellement dans l’Église catholique nécessite, pour se déployer, une circulation organisée de la parole dans l’entier de la communauté ecclésiale. Il prend la figure de l’assemblée ou de l’arbre à palabre où la parole circule entre tous et à la vue de tous.

Cette démarche encore balbutiante, mais riche de promesses cherche, non pas à mettre en place une énième stratégie délibérative, mais à dire un mode de fonctionnement de l’Église comme communion. Pour le pape François, «la synodalité est un style» et c’est «celui que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire».

Il va même jusqu’à dire que ce style ecclésial pourrait faire germer plus de justice et de fraternité dans le monde en cassant les logiques de concentration de pouvoir au profit de «la participation, de la solidarité et de la transparence dans l’administration des affaires publiques».

Cette évocation de la transparence consonne avec les réflexions contemporaines sur la justice sociale qui en font une des conditions incontournables de gestion de la vie publique.

«La transparence est indissociable de la synodalité»

Mais la société de l’information à outrance dans laquelle nous évoluons nous pousse à la prudence. Attention alors aux fausses transparences, inutiles et anecdotiques, que l’on donne au peuple pour le distraire et le détourner de l’obscurité qui masque les vrais enjeux et décisions. Ainsi le monde entier sait que le pape est allé récemment acheter un disque dans une boutique romaine, mais que savent les catholiques parisiens du processus de désignation de leur prochain archevêque?

La transparence est indissociable de la synodalité, dans la mesure où la parole ne peut circuler vraiment que d’une manière visible, avec la possibilité d’identifier ses émetteurs, ses relais et ses récepteurs. Elle institue celui qui voit en position de contre-pouvoir critique et créatif. Elle limite ainsi les risques d’abus, les accumulations indues de pouvoir et la corruption qui les accompagne. Pour cela, elle doit concerner en particulier les processus décisionnels et électifs ainsi que la circulation des flux financiers.

«Un timide chemin est déjà ouvert dans la transparence des flux financiers»

L’Église a là un sérieux déficit et le style synodal est encore largement à trouver. Un timide chemin est déjà ouvert dans la transparence des flux financiers, mais on vient de loin. Par exemple l’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique (APSA) qui gère les biens immobiliers du Vatican a été créée en 1967. Il faut attendre 2020 pour qu’elle publie son premier bilan. On n’y apprend qu’elle gère des placements pour 1,8 milliard d’euros et qu’elle l’a fait durant 50 ans dans une opacité totale.

Les scandales récents au Vatican nous laissent supposer que la parole cachée qui circule à l’interne de cette administration risque bien souvent d’être en contradiction avec la parole plus visible de la communauté ecclésiale inspirée par le souci des plus pauvres, la solidarité et le bien commun.

«Il ne s’agit pas de réaliser un copier-coller des formes politiques actuelles, mais de valoriser la riche sagesse pratique ecclésiale»

Un autre lieu de transparence que l’Église doit absolument incorporer à son style est celui des processus électifs. La réforme de la «nomination» des évêques est probablement un des points clés de toute réforme synodale de l’Église catholique. Il faut retrouver le lien nécessaire entre l’épiscopat et la communauté ecclésiale locale, ceci dans le fonctionnement du ministère épiscopal, mais aussi dans le processus de désignation, pour que, comme le dit l’abbé Bénézet Bujo, l’évêque et sa communauté puissent s’engendrer mutuellement.

Il ne s’agit pas de réaliser un copier-coller des formes politiques actuelles, mais de valoriser la riche sagesse pratique ecclésiale (discernement, communion dans la prière, recherche de consensus, processus de co-décision avec les Églises voisines et l’Église universelle).

«Dans une Église synodale, le Synode des évêques est seulement la manifestation la plus évidente d’un dynamisme de communion qui inspire toutes les décisions ecclésiales», dit encore François. C’est l’Église tout entière qui doit être relookée ou mieux dit, restylée, et la transparence fait partie du style.

Thierry Collaud

16 janvier 2022

Le processus synodal prend la forme de «l'arbre à palabre» dans la culture africaine | © Marc Ball/Flickr/CC BY 2.0
16 janvier 2022 | 09:16
par Thierry Collaud
Temps de lecture: env. 3 min.
Partagez!