Jean-Jacques Friboulet

Urgence

L’économie exige toujours que l’on travaille à la fois sur deux temps: le temps court du marché et le temps long des infrastructures, des investissements et de la nature. Ce dernier nous est rappelé à l’occasion de la votation du 25 septembre sur l’initiative relative à l’économie verte.

Tout le monde est d’accord sur son objectif: mettre en place une économie durable et fondée sur une gestion efficiente des ressources. Là où le bât blesse, c’est sur les moyens d’y arriver. La Suisse, comme ses voisins européens, consomme comme si elle disposait de trois planètes. L’initiative demande que cette consommation soit réduite à une planète en 2050. Or l’élément majeur de cette surconsommation est l’émission de carbone. Comme la conférence de la COP 21 l’a démontré l’an dernier, pour parvenir à stabiliser la hausse des températures à la fin du siècle, il faut se priver des énergies fossiles à compter de 2050.

Un mouvement de désinvestissement dans les énergies fossiles a été lancé au niveau international par de grandes compagnies et des groupes financiers. De grandes villes ou le fonds de pension de la famille Rockfeller, par exemple, ont désinvesti dans les énergies fossiles. C’est malheureusement le moment qu’a choisi notre parlement pour dire «circuler, il n’y a rien à voir; il faut encore attendre pour prendre des décisions courageuses en la matière». Conformément à cette absence de vision, il a refusé un contre-projet indirect du Conseil fédéral qui se fixait les mêmes objectifs que l’initiative, mais proposait d’agir par étapes pour plus de flexibilité. Ce contre-projet mis en consultation avait reçu l’appui de tous les cantons sauf un et de l’Association des communes suisses ainsi que des grands distributeurs. Il a été refusé au Conseil national par trois voix de majorité.

Le climat n’attend pas

Cette absence de vision est regrettable car le climat n’attend pas et la nature pas davantage. C’est d’ici l’an 2020 qu’il faut décider des grands investissements pour les trente prochaines années. Quelle est alors la véritable pierre d’achoppement ? Il s’agit de la consommation d’énergies fossiles. 50% des chauffages en Suisse fonctionnent encore au mazout, or ceux-ci devraient être mis hors d’usage d’ici 2050. Il en est de même pour les installations qui utilisent le gaz naturel. En disant cela et en prenant les moyens d’y parvenir, le parlement se heurterait aux intérêts de certains milieux économiques et de certains consommateurs. Il y a renoncé pensant qu’il est encore possible d’attendre 2030 pour prohiber les nouvelles installations fonctionnant à l’énergie fossile tout en gardant les anciennes. Or celles-ci sont amorties sur 30 ou 40 ans.

La solution est donc dans les mains des citoyens et des citoyennes. Pour y parvenir, l’initiative ne propose que des mesures qui ont fait leur preuve: l’encouragement à l’innovation, de nouvelles normes sur les produits et les déchets, des incitations fiscales et budgétaires. Ce sont des mesures proposées par tous les experts qui s’intéressent aux questions d’environnement. Sans leur mise en œuvre, l’économie ne pourra se passer des énergies fossiles en 2050 et la signature de la Suisse au bas du Traité de Paris, fruit de la COP 21, restera lettre morte.

Ce perpétuel report des décisions en matière d’environnement interroge. Une des raisons est bien sûr la difficulté de se projeter dans le futur. Mais en matière de climat, nous ne sommes plus dans l›incertitude mais dans la certitude. La seule issue est donc la prévoyance. La seconde raison est la préférence pour le présent, donc pour la consommation au lieu de l’investissement. Or aujourd’hui il est urgent d’investir dans des installations économes en carbone pour les particuliers comme pour les entreprises Serons-nous responsables ou irresponsables vis-à-vis des générations futures? Telle est au bout du compte la question morale qui est posée par cette initiative.

Le réchauffement climatique inquiète les maires des grandes villes du monde
14 septembre 2016 | 08:00
par Jean-Jacques Friboulet
Temps de lecture: env. 3 min.
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