Guy Musy

Evangile du dimanche: Parabole

Guy Musy | René Girard, écrivain et académicien franco-américain, a surpris son monde le jour où il publia un essai au titre étrange : «Des choses cachées depuis la fondation du monde». Reprise quasi littérale du verset 35 de ce chapitre 13 de l’évangile de Matthieu qui fait l’objet de notre attention ce dimanche. Et les critiques littéraires de constater que cette œuvre était une brillante démonstration que «la Bible tout entière est le cheminement inouï de notre civilisation vers un Dieu non violent». Ce constat ne va pas de soi. Il est loin d’être évident. A vrai dire, il ne peut faire l’objet que d’une «révélation»  qui manifeste au grand jour ce qui était caché depuis des siècles. Au dire de Matthieu, Jésus serait ce révélateur et la «parabole» son mode d’expression.

Voilà bien ce qui nous surprend. Nous avons précisément tendance à considérer les paraboles évangéliques comme un genre littéraire mineur, assimilé à la fable et aux historiettes enfantines. Jésus lui-même semble les réserver à la foule, à la piétaille sans intelligence, éloignée de la connaissance des mystères du Royaume réservée à un groupe de disciples choisis sur le volet. A ces derniers le langage clair; aux autres les métaphores.

«Le mystère de Dieu et de son Royaume ne peut être pressenti qu’à travers des images»

Mais, à y bien regarder, le mystère de Dieu et de son Royaume ne peut être pressenti qu’à travers des images véhiculées par des paraboles. Dieu est indicible et insondable. On ne peut avoir de son mystère qu’un pressentiment conforme à notre structure de créatures incarnées, enfouies dans la chair et son histoire.

Une démonstration nous est offerte dans la parabole de ce dimanche dont l’enseignement confirme les vues de René Girard. Voyons un peu. L’espace de notre monde, depuis son origine, est ensemencé de «bonnes graines» et de «zizanies» qui sur le même terrain se font une guerre ouverte et sans merci. La tentation des vertueux est d’arracher sans tarder la zizanie pour qu’elle n’étouffe pas la bonne graine qui peine à lever. Patience ! dit Jésus. Laissez-les croître ensemble. Un zèle violent, même s’il a les couleurs de la vertu, risque de tout gâcher. Attendez le jugement de Dieu qui clarifiera et sauvera le tout. Il vaut mieux cohabiter avec le mal plutôt que faire preuve d’une violence inefficace et inopportune pour le supprimer. Patience donc ! Malgré la démangeaison d’en découdre sur le champ.

«Ne pas s’acharner à nettoyer au ‘kärcher’ un jardin délicat»

Cette sagesse nous invite à supporter pour un temps nos déviances personnelles ou sociales, plutôt que nous acharner à nettoyer au ‘kärcher’ un jardin délicat, au risque aussi de le piétiner de nos lourdes pattes d’éléphants. L’exercice est difficile, j’en conviens. C’est pourtant le seul que Jésus propose, lui qui fut mis en croix pour que les pécheurs finissent par reconnaître leurs forfaits, dans l’espoir d’y mettre fin.

Guy Musy | 23 juillet 2017


Matthieu 13, 24 -43

24 Il leur proposa une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ.

25 Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint ; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla.

26 Quand la tige poussa et produisit l’épi, alors l’ivraie apparut aussi.

27 Les serviteurs du maître vinrent lui dire : «Seigneur, n’est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ ? D’où vient donc qu’il y a de l’ivraie ?»

28 Il leur dit : «C’est un ennemi qui a fait cela.» Les serviteurs lui disent : «Veux-tu donc que nous allions l’enlever ?»

29 Il répond : «Non, en enlevant l’ivraie, vous risquez d’arracher le blé en même temps.

30 Laissez-les pousser ensemble jusqu’à la moisson ; et, au temps de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler ; quant au blé, ramassez-le pour le rentrer dans mon grenier.» »

31 Il leur proposa une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et qu’il a semée dans son champ.

32 C’est la plus petite de toutes les semences, mais, quand elle a poussé, elle dépasse les autres plantes potagères et devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent et font leurs nids dans ses branches. »

33 Il leur dit une autre parabole : « Le royaume des Cieux est comparable au levain qu’une femme a pris et qu’elle a enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. »

34 Tout cela, Jésus le dit aux foules en paraboles, et il ne leur disait rien sans parabole,

35 accomplissant ainsi la parole du prophète : J’ouvrirai la bouche pour des paraboles, je publierai ce qui fut caché depuis la fondation du monde.

36 Alors, laissant les foules, il vint à la maison. Ses disciples s’approchèrent et lui dirent : « Explique-nous clairement la parabole de l’ivraie dans le champ. »

37 Il leur répondit : « Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme ;

38 le champ, c’est le monde ; le bon grain, ce sont les fils du Royaume ; l’ivraie, ce sont les fils du Mauvais.

39 L’ennemi qui l’a semée, c’est le diable ; la moisson, c’est la fin du monde ; les moissonneurs, ce sont les anges.

40 De même que l’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde.

41 Le Fils de l’homme enverra ses anges, et ils enlèveront de son Royaume toutes les causes de chute et ceux qui font le mal ;

42 ils les jetteront dans la fournaise : là, il y aura des pleurs et des grincements de dents.

43 Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Celui qui a des oreilles, qu’il entende !

 

Champs d'orge dans la plaine de Ninive, au nord de l'Irak, au printemps (photo Maurice Page)
21 juillet 2017 | 17:30
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 4 min.
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