Homélie du 12 juin 2016 (Luc 7, 36–50)

Chanoine Gilles Roduit – Abbaye de Saint-Maurice

LA VIE PAR DON

Le grand roi David avait pris une femme qui n’était pas la sienne. Il avait laissé grandir en son cœur le désir d’elle.
Le grand roi David avait ensuite tué le mari de cette femme pour camoufler son méfait qui s’était soldé par l’attente d’un enfant.
Pourtant il était un grand roi.
Mais il était un pécheur.
Comme toi, comme moi.

Aujourd’hui il s’est reconnu pécheur : « J’ai péché contre le Seigneur ! »

Cela a été son salut.

Mon frère, ma sœur, toi qui te trouves dans cette basilique de St-Maurice dans laquelle tant et tant de personnes depuis 1501 ans ont reçu la grâce de la miséricorde, toi qui es au volant, toi qui qui es au lit, toi qui es malade ou toi qui t’en vas vers une magnifique journée, les pages de la bible entendues à l’instant s’adressent maintenant à toi, à moi.

Toi et moi vivons dans un monde qui permet tout et ne pardonne rien.

Toi et moi vivons dans un monde que Dieu a créé.
Que Dieu a créé bon.
Que Dieu a créé PAR DON.

C’est le cœur de l’évangile de tout à l’heure :

On les voit, tous, attablés, couchés de côté, des hommes, les têtes vers le centre, les pieds un peu en arrière.  La compagnie est belle, des gens bien, de bons chrétiens, dirait-on.

«Cette femme n’a plus qu’un choix : remettre sa vie à l’amour»

Puis cette femme qui se glisse pour atteindre Jésus.  Non, les pieds de Jésus.  Les pieds, cela lui suffit.  Elle a tellement connu les autres parties du corps des hommes, elle, la pécheresse.

Mais ici, elle joue son tout, sa vie, son avenir.  Elle n’a pas le choix.  Ecrasée par le péché, défigurée par les regards accusateurs, elle n’a plus qu’un choix : remettre sa vie à l’amour.

Et elle ne sera pas déçue.  Dans sa foi naïve, simple, elle pressent bien que celui-ci n’est pas comme les autres.  Sans comprendre pourquoi, elle attend de lui une attitude vraiment divine, vraiment humaine ???

«C’est tout ce que Jésus sait faire : passer en faisant le bien, recréer»

Et elle ne sera pas déçue.  Celui qui a créé PAR DON, PAR PUR DON, donne encore et encore.

Car c’est tout ce qu’il sait faire.  Passer en faisant le bien, recréer.  Lui qui a créé PAR DON laisse agir en lui pleinement, parfaitement, le PARDON.

Quelle merveille !
Ce que long temps n’a pas pu faire,
en un instant le PARDON l’accomplit.

C’est la perfection de l’amour de Jésus.  Pas un pharisien, pas un trop respectueux de la loi ne l’empêchera de franchir toutes les limites pour mettre en réalité le premier commandement : l’amour de Dieu et du prochain par-dessus tout, avant tout.

Il nous aime le premier.  La femme revient à cet amour et permet sa réactivation.  Et les entrailles maternelles de Dieu se remettent en mouvement pour la vie.

Elle n’a pas hésité, à l’image de la parole du Psaume que nous venons de chanter :

« Je n’ai pas caché mes torts, je rendrai grâce au Seigneur en confessant mes péchés ».

Alors la parole de saint Paul aux Galates résonne comme une explication claire :
«Frères, nous le savons bien, ce n’est pas en observant la loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ.»

Joie donc de la femme, intense, vraie, profonde, même pas dérangée ou remise en question par les bien-pensants : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est : une pécheresse. »

Mon frère, ma sœur, et si moi, là où je suis, en ce moment, j’ouvrais mon cœur à ce Dieu qui nous accorde la vie par don ?  Et si j’entendais résonner pour moi la magnifique parole de Jésus :
« Ta foi t’a sauvée. Va en paix. » ?

«Jésus relève en toi le beau»

Comme il l’a fait pour la femme, Jésus relève en toi le beau. Pour elle : sa foi, pour toi : ce qui s’éveille de meilleur en toi maintenant.

Aussitôt, la femme devient missionnaire, sans parler, simplement par ce qu’elle est :
Une pécheresse pardonnée.

Et moi, dès maintenant, suis-je d’accord de devenir ce disciple missionnaire que Jésus attend de tout homme, qu’il soit pharisien ou pécheur ?
« Qui est cet homme, qui va jusqu’à pardonner les péchés ? »

11e Dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : 2 Samuel 12, 7-10.13; Psaume 31; Galates 2, 16.19-21; Luc 7, 36–8, 3