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Homélie

Homélie du 2 juillet 2017 (Mt 10, 37-42)

Abbé Vincent J.-J. Lafargue – Chapelle des Soeurs de Saint-Maurice, La Pelouse, Bex

Chers Amis,

 La scène se passe dans un aéroport du sud de la France, il y a quelques années. Je m’apprêtais à prendre l’avion pour rejoindre la Suisse et je venais de passer laborieusement les contrôles de sécurité – vous savez qu’aujourd’hui ça devient presque un chemin de croix, il faut enlever ses chaussures, sa ceinture, ses clés, ses stylos… on ne nous demande pas encore de passer en caleçon mais ça va pas tarder si on continue comme ça !

 Je vois qu’un homme m’observe alors que je suis en train de me rhabiller. Comme j’enfilais la petite croix de bois que je porte par-dessus mes habits, il vient vers moi et m’apostrophe :

 « Ha ! Voilà bien les prêtres d’aujourd’hui ! Si vous aviez porté une soutane, mon Père, vous n’auriez pas eu toutes ces difficultés. On vous aurait laissé passer ! »

 Sur le moment, j’ai été profondément choqué par ce que disait cet homme.

 Ainsi un prêtre « habillé en religieux » serait mieux traité que n’importe quel passager lambda ? Voilà qui serait totalement injuste ! Nous ne sommes pas au-dessus des autres, au contraire, nous autres prêtres nous sommes au service des autres, nous devons passer après les autres, en aucun cas avant.

Accueil inconditionnel

 Cet homme ne me semblait pas compris grand-chose au fait d’être prêtre, serviteur de tous et non pas prince de l’Eglise à qui l’on devrait des égards au nom de je ne sais quelle dignité supérieure.

 Je ne connais rien de supérieur, personnellement, à la dignité intrinsèque de chaque être humain, quel que soit son métier, quel que soit son habillement, quelle que soit la couleur de sa peau, quelle que soit son identité.

Cet homme ne me semblait pas non plus compris grand-chose à la spiritualité de l’accueil inconditionnel de chacun.

 En termes d’accueil, il en était resté à notre première lecture tirée du livre des Rois, donc de l’Ancien Testament.

 Que disait ce texte ? Une femme riche accueille un homme sous son toit. Elle s’aperçoit que ce n’est pas n’importe quel voyageur lambda mais un homme de Dieu, justement. Un prophète.

 Et du coup, elle demande à son mari de le traiter au mieux, ce prophète. Petite chambre spécialement confectionnée sur la terrasse réservée pour lui à l’année pour qu’il se sente accueilli selon son rang.

 Aurait-elle fait la même chose pour un mendiant, cette riche femme de Sunam ? Pas sûr, n’est-ce pas ?

 Elle sera pourtant récompensée pour son geste, cette femme de l’Ancien Testament, de la Première Alliance, et c’est bien ainsi.

 C’est bien, l’Ancien Testament, je ne vais pas vous dire le contraire après une semaine de session biblique ici, à la Pelouse, pendant laquelle j’ai notamment présenté quelques trésors de ces premières pages de nos Bibles.

Relier l’Ancien Testament à l’histoire du Christ

Il y a des accueils remarquables, Abraham avec ses trois mystérieux visiteurs par exemple.

 Mais on ne peut lire l’Ancien qu’en considérant que le Nouveau y est caché, qu’en le reliant avec l’histoire du Christ, qu’en l’interprétant avec des lunettes chrétiennes qui changent tout, qui éclairent ces pages d’une lumière nouvelle.

 Ainsi Paul, dans la deuxième lecture, nous invitait à porter un regard nouveau, à mener une vie nouvelle.

Dieu ne fait pas de différence

Et en termes d’accueil, le Christ précisait les choses dans l’extrait de l’Evangile que nous avons entendu : « qui vous accueille m’accueille ». Pas de différence, qui que ce soit.

 Accueillir un réfugié qui a péniblement traversé la Méditerranée, c’est accueillir le Christ.

Accueillir Donald Trump en visite diplomatique, c’est accueillir le Christ. Aussi, eh oui. Nous sommes invités à ne pas faire de différence.

 Parce que Dieu, lui, ne fait pas de différence. Qui vous accueille m’accueille, disait Jésus, et qui m’accueille accueille celui qui m’a envoyé.

 Peu importe l’habit, l’apparence, ce que nous savons ou croyons savoir de cette personne. C’est Dieu qu’on accueille à travers chaque visage que nous croisons.

 Voilà, notamment, ce à quoi nous invitent les textes de ce dimanche, Chers Amis, et c’est intéressant au seuil de notre été. Souvenons-nous que Dieu habite chacun des visages que nous allons accueillir ou découvrir, selon que nous recevrons ou voyagerons.

 Je pensais à tout cela tandis que je remettais ma ceinture dans l’aéroport où cet homme venait de m’interpellé de cette façon qui m’avait choqué. Mais alors que je brûlais d’envie de lui expliquer l’Evangile, je me suis soudain rappelé que derrière son visage à lui aussi se trouvait Dieu. Forcément.

 Alors j’ai souri. Et je lui ai serré la main, heureux d’avoir croisé Dieu sur mon chemin.

  


13e dimanche du temps ordinaire, Année A

Lectures bibliques : 2 Rois 4, 8-11.14-16a; Psaume 88, 2-3, 16-17, 18-19; Romains 6, 3-4.8-11; Matthieu 10, 37-42


 

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2 juillet 2017 | 09:20
Temps de lecture: env. 3 min.
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