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Homélie

Homélie du 20 août 2017 (Mt 15, 21-28)

Chanoine Jean-Michel Lonfat – Hospice du Grand-Saint-Bernard

Voici qu’une Cananéenne venue de ces territoires….ces territoires lointains, étranges, de ces territoires dont on n’a que très peu de connaissances, des villes païennes, des lieux inconnus. Voici qu’elle se trouve là. Voici qu’elle aussi a quelque chose à dire. Elle est différente certes, mais au fond, sur le fond nous lui ressemblons beaucoup non ?

Quand nous sommes dans le besoin

Ne crions-nous pas notre misère à Dieu nous aussi ?
N’essayons-nous pas de nous approcher de la prière quand nous sommes en détresse ?
N’attendons-nous pas un geste, une parole, un regard, une écoute, quand nous sommes dans le besoin ?
Ne nous sentons-nous pas étranger, mis de côté, repoussés parfois ?

Que l’on vienne de n’importe quelle nationalité, l’homme au fond de lui-même cherche sans cesse un mieux-être, un ami, une écoute, un réconfort, une reconnaissance.
Sur la montagne la rencontre entre les hommes est généralement un moment heureux, joyeux. La vie y est dure oui, mais la solidarité y est belle.

Le yodle : outil de communication

J’étais cette semaine à Landschlart près de Kreuzlingen sur les bords du lac de Constance avec quelques personnes aveugles de suisse romande et nous avons eu la joie d’entendre Ruth, aveugle, nous chanter en yodle : c’était magnifique.
Nous avons parlé du yodle : à l’origine il était le cri des bergers accompagnants les troupeaux dans les montagnes. Cri qui manifestait leur arrivée à l’alpage. Cri de joie !
La communication était faite comme cela entre les bergers et leurs vaches. D’alpage en alpage on communiquait. Cri spontané et joyeux ou mélancolique ou même alarmant dans les vallées escarpées : on yodlait. On communiquait et la montagne renvoyait le son en écho.
Pas de frontière pour le yodle qu’il soit chanté en Autriche, en Allemagne, en Suisse alémanique, dans le haut Piémont…c’est le cri du cœur de l’homme comblé.
Dans sa joie il laisse éclater sa voix pour que l’autre puisse entendre et comprendre le message.

La présence d’un Maître qui vient guérir

La Parole de ce jour nous dit quelque chose de cette communication entre les hommes qui n’a ni frontière ni nationalité, ni accent, si ce n’est celui de l’amour et du respect mutuel.

La construction des relations entre les hommes, finalement la construction du Royaume est de ce type-là.
Telle la construction d’un mur en pierres sèches avec des ouvriers de nationalités différentes tous nous nous retrouvons pour la même œuvre : construire, bâtir, se reconnaître membre d’un corps qui a pour âme une Présence.
Pas n’importe quelle présence, celle d’un Maître qui vient guérir, qui vient nous régénérer, qui vient nous réintégrer dans une nature, dans notre nature humaine.

 

La construction du mur en pierres sèches qui protège la source et notre amenée d’eau pour l’hospice est le symbole d’un mur d’humanité, de communion transfrontalière, un mur qui s’inscrit dans la tradition jusque dans sa construction avec minutie et précision.
La construction ou la reconstruction de notre personne peut ressembler à celle du mur en pierres, il nous faut creuser pour chercher ou rechercher le rocher sur lequel on va construire. Il va falloir démonter, observer pour mieux construire.

Nos vies en chantier

Le cri de la Cananéenne, le cri de l’homme, ce besoin de communiquer de retrouver confiance, de s’approcher du Maître, de retrouver un équilibre, une solidité intérieure, reste un chantier d’une certaine importance dans nos vies.
Démolir, casser, enlever, déposer, nettoyer, transporter, tailler, ajuster, présenter, placer, vérifier, contrôler.
Tout cela demande courage et patience surtout par tous les temps.
On le sait bien, le vent, la froidure, la pluie, le brouillard, la neige même, sont des éléments qui habitent nos cœurs aussi.
A l’image des pierres importées qui vont consolider le mur nous avons aussi ces corps étrangers en nous qu’il nous faut peut-être intégrer, accepter, prendre en compte, pour notre propre construction intérieure.

Devenir pierre vivante

Nos pauvretés et nos blessures nous les remettons à ce cœur si miséricordieux celui de Dieu.

En fin de compte c’est lui qui va les accueillir, les transformer ces blessures et faire que l’homme étranger, le corps étranger par son aspect différent, par ses particularités si riches, quelquefois si pauvres et misérables aussi, puisse être pris en considération et bénéficier d’un amour INCONDITIONNEL de la part de Dieu, pour y être pierre vivante dans la construction du Royaume, pour consolider, préserver ainsi la fluidité de l’eau vive souvent invisible à nos yeux et qui régénère tout le corps.

Le DON de Dieu dépasse les frontières ! Nous en avons peut-être fait l’expérience durant le temps d’été ? Il nous ouvre à d’autres horizons, à d’autres cultures.

Redonnons la parole au psalmiste de ce jour pour conclure, frères et sœurs, chers auditeurs :

« Que les peuples, Dieu, te rendent grâce ; qu’ils te rendent grâce tous ensemble ! »


20e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE – Année A
Isaïe 56, 1.6-7; Psaume 66, 2-3, 5, 7-8; Romains 11, 13-15.29-32; Matthieu 15, 21-28


 

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20 août 2017 | 09:20
Temps de lecture: env. 3 min.
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