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Homélie

Homélie du 3 juillet 2016 (Luc 10, 1-12.17-20)

Abbé François-Xavier Amherdt – Chapelle des Sœurs de Saint-Maurice, La Pelouse, Bex

Nos noms inscrits dans les cieux
1. Pierre, Jacques-Benoît, Emmanuel, Pierre-André, Olivier et Jean : tels sont les noms prononcés par l’évêque lors de l’appel des six jeunes ordonnés, samedi d’avant au Christ-Roi à Fribourg, et dimanche dernier à la basilique Notre-Dame à Lausanne, les cinq premiers comme diacres dans l’ordre dominicain, le 6e comme prêtre pour le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg.

2. Barbara, Monique, Adrienne, Isabelle, Berta, Didier, Vincent, puis aussi Antonio, Nicole et Jean, Isabelle, Soeur Silke et Soeur Daniela et tous les autres : prénoms des animateurs de l’ABC et de quelques participants à la session biblique d’été placée sous le thème de la miséricorde, ici sur la colline de la Pelouse-sur-Bex, avec le soutien et l’accueil des Soeurs de Saint Maurice.

3. Il faudrait évidemment y ajouter tous vos noms, chers auditrices et auditeurs, car tous, sans exception, nous sommes visés par cette béatitude de Jésus : « Réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux ! Les femmes comme les hommes, les laïcs comme les prêtres, les religieuses comme les diacres ! »

4. Prions donc pour que la liste de ces noms écrits sur le livre de la Vie soit la plus longue possible ! Prions pour que le Maître de la moisson, si ample et si vaste, envoie de nombreux ouvriers et ouvrières pour travailler à l’avancée du Royaume ! Prions pour les vocations laïques, consacrées, diaconales, presbytérales, toutes amoureuses de la Parole !

II. La moisson eschatologique
1. Car la moisson se trouve devant nous, sous nos yeux. Le Christ a semé, l’Esprit est à l’œuvre dans le monde. Malgré l’ivraie de la violence et du terrorisme, des crises financières et politiques, le grain pousse, jour après jour. Comme pour ses apôtres, Jésus nous invite à contempler les champs déjà dorés de la moisson, dans la joie de l’Évangile, la joie de l’amour.

«l’Esprit est à l’œuvre dans le monde»

2. Pour le langage de la Révélation, la moisson comme la vendange évoquent la fin de l’histoire, lors de la rencontre définitive avec le Seigneur, lorsque le Messie drapé de gloire fera tomber Satan du ciel. La moisson, ce sont les temps ultimes, que la théologie appelle messianiques ou eschatologiques, lorsque la victoire de Dieu éclatera de manière mille milliards de fois plus somptueuse et définitive que celle de dimanche prochain à l’Euro de football.

3. Cette moisson n’est pas réservée pour la consommation des siècles. Elle s’opère dès maintenant. Parce que l’Esprit nous précède, il agit dans l’existence de ceux que nous côtoyons. Savons-nous reconnaître les semences du Verbe, les semina Verbi, comme disait saint Justin, répandues dans le cœur de tout être humain et dans chaque tradition religieuse ?

«Entretenir une relation fervente avec le Christ»

4. Cela implique que nous entretenions une relation fervente avec le Christ, pour qu’en nous aussi, il puisse faire germer sa Parole par l’action de l’Esprit. Les deux sont liés : plus je vis une intimité avec le Père, dans l’oraison et la prière, plus je suis conscient que je suis porteur de germes de salut, plus je pourrai les reconnaître chez mes frères et soeurs et plus je pourrai contribuer à la germination en eux des gerbes de vie. Comme le dit saint Augustin, si le Maître intérieur ne prépare pas préalablement les coeurs, la parole du missionnaire et de l’évangélisateur reste vaine.

5. C’est exactement ce que nous vivons durant ces jours de session de l’ABC. Si la Parole étudiée, partagée, méditée, priée et vécue trouve en nous une bonne terre, alors nous pouvons nous laisser envoyer deux par deux proclamer que le Règne de Dieu est proche. Même si nous serons comme des agneaux au milieu des loups.

III. Les stigmates
1. En effet, l’antienne du psaume le dit bien : « Qui sème dans les larmes moissonne en chantant ». Pour un séminariste ordonné diacre et prêtre, combien choisissent une autre voie, très belle aussi, et quittent le séminaire ? À quelle indifférence ou hostilité nous savons d’expérience que nous sommes exposés, si nous nous risquons à témoigner de la Bonne Nouvelle !

«L’apôtre place sa fierté dans la croix de Jésus Christ»

2. Paul, dans sa lettre aux Galates, emploie le mot grec ta stigmata, les stigmates, pour désigner les marques des souffrances de Jésus qu’il porte en lui. L’apôtre est une créature nouvelle, mais c’est dans la croix du Seigneur Jésus Christ qu’il place sa fierté.

3. Des brebis au milieu des lynx et des chacals, tel est le lot de tous les missionnaires authentiques. Impossible de faire l’économie des épreuves, des critiques et des refus. Notre monde semble s’éloigner de Dieu, de plus en plus. Un univers qui tourne sur lui-même et s’autodétruit par les guerres, le réchauffement climatique, sans avoir plus besoin de Dieu.

« Ascension et Pentecôte à la poubelle » titrait Isabelle Falconnier dans un éditorial agressif dans l’Hebdo, fin mai dernier. « Plus personne ne sait ce que sont ces pseudo-fêtes religieuses » écrivait-elle. « Remplaçons-les par des jours de congés qui parlent aux gens, le jour du oui au vote des femmes, par exemple, ou le oui de l’entrée de la Suisse l’ONU. »

4. Je reviens du Québec et j’ai été estomaqué par l’omniprésence d’un laïcisme revanchard, qui veut comme libérer la Belle Province de toute référence catholique. Comme si la foi en l’Évangile et l’Église n’étaient qu’un carcan dont il conviendrait de se débarrasser définitivement.
Des agneaux au milieu des loups. Tel est notre lot, si nous nous mettons à la disposition du travail de la Parole en nous.

IV. Un Royaume de paix
1. Et pourtant, ce que nous avons à transmettre n’a rien de vindicatif ou d’arrogant. Au contraire. « Dans toute maison où vous entrerez, dit Jésus aux disciples de tous les temps, proclamez d’abord : «Paix à cette maison» ». C’est l’Évangile que le rituel prévoit pour la bénédiction des habitants d’une demeure nouvelle. Comme autrefois il y avait des pancartes en bois à l’entrée des chalets ou des habitations ainsi libellées : « La paix soit sur tous ».
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2. La paix, shalom en hébreu, c’est le bien par excellence promis par Dieu dès l’Ancien Testament à l’ensemble de l’humanité. « Jérusalem, Ieru-Shalem », ville de la paix. « Réjouissez-vous avec Ieru-Shalem », clame dans sa vision le prophète Isaïe au dernier chapitre de son livre. Exultez en elle, car voici que je dirige vers Sion la paix comme un fleuve, un torrent débordant de la gloire universelle ». Heureux ceux dont le mot de paix est inscrit sur le front et le coeur. Heureux les amis de la paix.

3. Et Jésus ajoute cette parole-clé que tous les envoyés de l’Église devraient appliquer à la lettre, que je m’efforce en tous cas personnellement de toujours réaliser : « Restez dans les maisons de paix. Et là, mangez et buvez ce que l’on vous servira ».

4. C’est ce que nous faisons chaque année, durant notre session à la Pelouse. On y mange si bien. On s’y nourrit de la Parole, de la paix partagée, du pain de l’eucharistie et des délicieux repas. Encore hier soir, lors de notre soirée festive et récréative. Pour vous en convaincre, venez l’an prochain. Ce sera du 28 juin au 2 juillet 2017. Cela en vaut la peine.

V. Consolation
1. Le Seigneur nous invite à nous réjouir dans toutes les cités de paix terrestres, en attendant la Jérusalem céleste. « Car, continue Isaïe, vous y serez rassasiés de ses consolations, nourris de son lait, portés sur la hanche. Vous serez choyés et chouchoutés sur les genoux de Dieu. Oui, dit le Père miséricordieux, comme un enfant qui sa mère console, ainsi je vous consolerai. »

2. Les mots sont beaux. Con-soler, du latin cum solus, ne plus être seul, être avec d’autres, en sécurité. Partager le miel de la parole et le lait de la prière.

3. Et puis miséricorde, vous le savez, du latin cor, le coeur et miser, misérable, le coeur de Dieu si généreux devant notre misère et notre détresse.

VI. Il y a du travail
1. « Misericordes sicut Pater ». Devenir à notre tour miséricordieux et consolateurs comme le Père.

2. Chacun appelé par son nom écrit dans le registre de la paix définitive, tous artisans de réconciliation, bâtisseurs du Royaume.

«Tous artisans de réconciliation, bâtisseurs du Royaume»

3. Prions. Il y a du boulot ! Prions, il n’y a pas de concurrence entre les paroisses et les centres spirituels, entre la pastorale territoriale, la catégorielle et la charismatique, entre les services spécialisés et les communautés religieuses !

4. Prions. Dieu nous envoie deux par deux dans le monde entier. Car la moisson de paix nous attend.


14e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

Lectures bibliques :  Isaïe 66, 10-14c; Psaume 65; Galates 6, 14-18; Luc 10, 1-12.17-20

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3 juillet 2016 | 09:20
Temps de lecture: env. 6 min.
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