« le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu »./Photo:evangile-et-peinture.org
Homélie

Homélie du 30 octobre 2016 (Lc 19, 1-10)

Abbé Marc Donzé – Basilique Notre-Dame, Lausanne

Dans les tranchées, pendant la guerre, la nourriture était pour le moins sommaire. Et elle était servie brutalement, sans égards. Il arrivait que des soldats protestent. Un officier, personnage des «Mains sales» de Jean-Paul Sartre, dit à l’un de ces soldats : « Tu voulais ta bouffe et un petit quelque chose de plus ». Le petit quelque chose de plus, c’était le respect : respect de la dignité du soldat qui n’est pas une chair à canon, mais une personne humaine ; et aussi respect de la nourriture, qui n’est pas de la boue, mais du pain, fruit du travail des hommes.

Aimer, dans un grand respect

Le respect, qui est un aspect basique et premier de l’amour, devrait être essentiel en toute chose. Et quand il est présent, il se sent. Si vous pensez à un cuisinier, une cuisinière qui aiment leur tâche, ils vont respecter les produits. Ils vont les agencer avec subtilité, avec feu, avec goût. L’assiette sera belle. Et ils vont aussi respecter leurs hôtes au travers de la qualité du service. Tout cela va se sentir et contribuera à la qualité du repas et à sa joie.

Aimer son travail, aimer les choses de la terre, aimer les personnes dans un grand respect, voilà une belle attitude humaine.

Et Dieu ferait-il moins bien ? Mais il ne peut pas être moins bon que ce qu’il y a de meilleur en l’homme. Alors…

«Seigneur, tu aimes tout ce qui existe»

Alors écoutons à nouveau ce que dit le Livre de la Sagesse, dans des lignes que je trouve merveilleuses : « Seigneur, tu aimes tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes œuvres ; si tu avais haï quoi que ce soit, tu ne l’aurais pas créé. Comment aurait-il subsisté, si tu ne l’avais pas voulu ? Comment serait-il resté vivant, si tu ne l’avais pas appelé ? En fait, tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aime les vivants, toi dont le souffle impérissable les aime tous. »

Autrement dit, le Seigneur a du respect pour tout ce qu’il a créé, les choses comme les personnes. Et non seulement du respect, mais de l’amour (le mot revient deux fois). Normal, me direz-vous, puisque Dieu est Amour.

En chaque chose il y a une trace de l’esprit

Est-ce que ça se sent, comme dans la cuisine d’un bon cuisinier, si vous me passez la comparaison ? Ici, j’ai pensé à ce qu’a écrit le Père Teilhard de Chardin, ce grand savant et philosophe jésuite. En chaque chose, au-delà au-dedans de la matière, il y a une trace déjà de l’esprit. Et plus les êtres sont complexes, plus la capacité d’esprit augmente. Plus subtil est le corbeau que la mouche. Et infiniment plus subtil encore l’homme.

Je pense, dans la même veine, qu’en chaque chose, au-delà au-dedans de la matière et de l’esprit, il y a une trace déjà de l’amour. Et plus les êtres sont évolués, plus la capacité de porter trace de l’amour augmente. Et chez l’homme enfin, l’amour peut s’épanouir, avec son corollaire : la liberté.

L’univers parle de l’amour de Dieu

Ce n’est pas forcément facile à sentir. Mais, pour un philosophe comme Maurice Zundel, le but même de la connaissance de l’univers, dans sa subtilité très ordonnée, c’est de découvrir la confidence d’un amour. Qu’est-ce que cet univers, créé par l’amour de Dieu, a à me dire ? Avec splendeur comme dans les aurores boréales ; avec humour comme chez l’ornithorynque ou le babouin. Et parfois, hélas avec tragédie, parce que l’homme n’a pas respecté le rythme des choses, est allé s’installer dans des endroits où il ne fallait pas ou a saccagé la terre en la surexploitant.

Mais il se peut que l’univers, en filigrane, parle à l’homme de l’amour de Dieu.

Au sein de cet univers, l’homme est créé par amour. C’est notre foi. Quand on prend le temps de contempler l’incroyable subtilité du corps de l’homme, et plus encore les aptitudes inouïes de son esprit, et plus encore sa capacité d’aimer, de créer des liens, de faire vibrer la joie, on ne peut qu’être émerveillé. Et redire : «Seigneur, tu aimes tous les vivants, toi dont le souffle impérissable les anime tous».

Magnifique. Mais voilà, il arrive que l’homme, si capable d’amour, tombe dans l’irrespect des choses et des personnes. Et provoque des catastrophes. Que fait Dieu alors ?

Dieu veut nous relever

Je reprends les paroles du Livre de la Sagesse : « Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis. » Et un peu plus haut : « Seigneur, tu as miséricorde pour tous les hommes, parce que tu peux tout. » Mine de rien, quelle phrase géniale : la toute-puissance de Dieu, ce n’est pas seulement la création ; c’est plus encore la miséricorde : remettre debout celui qui est tombé, s’il veut bien. Nous avons affaire à un Dieu qui veut nous relever, dans quelque abîme que nous soyons tombé. C’est le cœur de ma foi ; de la vôtre aussi, je l’espère. En tout cas, c›est le cœur de la foi du pape François qui met la miséricorde au centre de la vie de l’Eglise. Et pas seulement pour cette année, mais pour toujours, je l’espère.

Sur qui portons-nous un regard d’amour ?

Travaux pratiques, car il faut vivre cette foi. Jésus montre le chemin. Il porte sur Zachée un regard d’amour, même si ce dernier s’est enrichi comme collecteur d’impôts. Plus encore, il lui rend visite. Car, dit l’Evangile, « le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ». Ce que Dieu est : créateur par amour et tout-puissant par miséricorde, Jésus le fait. Zachée s’en trouve relevé, transformé ; il devient honnête, généreux, aimant.

Eh bien, nous aussi, si nous avons vraiment foi en ce Dieu qui est amour et miséricorde, nous pouvons nous demander sur qui nous portons un regard d’amour (en particulier sur quelle personne qui n’est pas forcément aimable au premier abord), et qui nous allons visiter, et à qui nous tendons la main, pour qu’il puisse se relever. Et j’espère que la réponse à la demande n’est pas une case vide, ou, si elle l’est, qu’elle ne le restera pas longtemps.

Car il dépend aussi de nous que le respect envers les personnes et les choses en ce monde soit en croissance. Au nom de l’amour créateur et de la miséricorde toute-puissante.


31e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

Lectures bibliques : Sagesse 11, 23 – 12, 2 ; Psaume 144 : 2 Thessaloniciens 1, 11 – 2, 2 ; Luc 19, 1-10


 

« le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu »./Photo:evangile-et-peinture.org
30 octobre 2016 | 17:11
Temps de lecture: env. 4 min.
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