Photo:evangile-et-peinture.org
Homélie

Homélie du 5 mai 2016 (Lc 24, 46-53)

Mgr Jean Scarcella  – Abbaye de Saint-Maurice

 

Mes sœurs, mes frères,

Lire le récit de l’Ascension de Jésus au ciel s’accompagne immanquablement d’images qui passent dans notre esprit ; peut-être est-ce celle d’un tableau d’un grand maître de la Renaissance ou simplement celles nées de notre imagination. En effet, recevoir ce récit par de simples mots est difficilement traductible par notre raison, aussi avons-nous besoin de la dessiner dans notre imaginaire.

À l’écoute du Livre des Actes des Apôtres comme de l’Évangile de Luc, le récit dit l’évènement et on peut le recevoir tel quel avec foi, ou sourire au lèvres. Mais en fait cette apparente facilité à appréhender cet événement de l’Ascension de Jésus fait face à un grand et merveilleux mystère. Jésus n’est pas simplement monté aux cieux pour y passer sa retraite, non bien sûr ; Jésus a été «emporté au ciel» afin d’y «entrer», précise bien l’auteur de la Lettre aux Hébreux ; Jésus « est entré dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu. » Et ce qu’il faut que l’on retienne maintenant de cette phrase essentielle qui dit le cœur du mystère, c’est ce «pour nous» – Jésus se tient pour nous devant la face de Dieu… pour nous, encore une fois. Jésus est né pour nous, afin de nous dévoiler la Parole de Dieu son Père ; Jésus est mort pour nous, afin de nous racheter de notre péché ; Jésus est ressuscité pour nous, afin de nous obtenir la vie éternelle, et enfin Jésus est entré pour nous au ciel pour anticiper notre salut.

«Jésus se tient pour nous devant la face de Dieu»

Frères et sœurs, nous sommes ici, dans la contemplation de ce mystère et, à l’écoute des textes sacrés, en pleine atmosphère pascale. L’Ascension nous est présentée avec la Résurrection comme un mouvement unique qui emporte le Seigneur dans la gloire. Et c’est là que se situe le mystère que nous évoquions à l’instant : la solennité de l’Ascension célèbre donc le mystère de l’accomplissement de la Pâque dans le Corps total du Christ ; ce Corps qui est total précisément parce qu’il est composé du Christ, chef et tête, et des membres, nous, peuple de Dieu. Ainsi, frères et sœurs, vous voyez que nous ne pouvons pas nous départir du mystère pascal, puisque tout cela le Père l›a réalisé, nous le disions : pour nous !

Dès lors nous pouvons comprendre que la raison finale de l’Ascension de Jésus s’élevant dans les cieux est ce qui conduit à cette fin qu’est la divinisation de l’homme ; quand Jésus est venu sur terre, Dieu est devenu homme afin que l’homme soit divinisé. En ce jour Jésus vient s’asseoir à la droite de Dieu son Père et voilà comment notre nature humaine a été élevée au-dessus des cieux ; un de nous est donc entré dans la gloire de Dieu, pouvons-nous dire en forme de raccourci ! La prière eucharistique dit d’ailleurs : en ce jour, le Christ « a fait entrer notre nature avec sa faiblesse dans la gloire de Dieu », et une préface de la fête ajoute : « il est monté au ciel pour nous rendre participants de sa divinité ».

Cette «Ascension du Sauveur est le principe de notre propre élévation»

Voilà, frères et sœurs, ce mystère inouï qui fait de cette fête du Seigneur aussi notre fête ; cette «Ascension du Sauveur est donc le principe de notre propre élévation», commente Ludolphe le Chartreux au 14è siècle, qui ajoute : «aussi devons-nous en ce jour nous livrer à la joie et à la reconnaissance». Oui, cette fête est pour nous source de grande joie dans notre espérance.

En résumé nous pourrions dire : certes, Jésus s’en va, mais nous restons unis à lui ! Et plus que jamais, ce mystère devient donc celui de l’absence-présence. Et les apôtres l›avaient bien compris eux qui, ainsi que nous le rapporte saint Luc, «retournèrent à Jérusalem, en grande joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu». De là à faire un parallèle avec l’épisode d’Emmaüs il n’y a qu’un pas. La joie des disciples au retour d’Emmaüs était celle de l’expérience de la résurrection, celle des disciples témoins de l’Ascension fut celle de l’expérience de la vie éternelle, du salut. Pas plus qu’à Emmaüs, les disciples de Béthanie ne restèrent béats à contempler, non plus un pain rompu, mais la nuée dans le ciel. En effet si nous imaginons qu’un homme nous quitte en s’élevant dans les nuages, nous tuons le mystère de l’Ascension : nous en faisons une absence, alors que c’est un mystère de présence multipliée ; absence-présence, disions-nous à l’instant. De ce fait tout comme l’Eucharistie met la présence du Christ dans les cœurs d’une multitude, autant la contemplation du ciel n’est pas pour les chrétiens une évasion. En conséquence, si les anges ont dit aux apôtres que le Seigneur reviendrait, c’est pour les renvoyer à leur tâche de présence de ce Christ devenu absent de corps, en leur rappelant leur mission de témoigner de tout ce qu’ils ont vu :»à vous d’être les témoins», leur avait dit Jésus, «vous allez recevoir une force quand le Saint-Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre». Voilà donc le résultat du mystère dans la présence multipliée.

«Chercher Jésus dans le ciel et travailler avec lui sur la terre»

En contemplant ce mystère nous passons, frères et sœurs, de la vision réelle qui fut celle des apôtres à une vision de foi, la nôtre. C’est chercher Jésus dans le ciel et travailler avec lui sur la terre. L’effort de foi qui nous est demandé c’est d’unifier ces deux relations avec Jésus ; certes elles peuvent apparaître fort différentes, mais soyons assurés que notre propre vie est déjà aimantée par la vie de Jésus au ciel, qui nous attire jour après jour quand nous « fixons notre désir, là où le regard ne parvient », selon le célèbre mot de saint Léon.

Oui, frères et sœurs, mes amis, ayez foi en ce Jésus qui sera Présence pour vous qui lui ouvrez votre vie. André Sève disait cette phrase que je vous laisse comme envoi : « Jamais il n’est autant demandé à notre foi qu’en ce mystère de l’Ascension où elle doit apprendre à vivre avec Jésus dans le ciel et sur la terre. »

AMEN !


Fête de l’Ascension du Seigneur

Lectures bibliques : Actes 1, 1-11; Psaue 46; Hébreux 9, 24-28 ; 10, 19-23; Luc 24, 46-53


 

Photo:evangile-et-peinture.org
5 mai 2016 | 09:16
Temps de lecture: env. 5 min.
Partagez!

plus d'articles de la catégorie «Homélie»