Eglise de la Dormition, monastère de Ghelati, en Géorgie, fresque du XIIe siècle | © Maurice Page
Homélie

Homélie de la fête de l'Assomption, 15 août 2021 ( Lc 1, 39-56 )

Chanoine Jean-Pierre Voutaz – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Chers Frères et Sœurs,
Marie se rend avec empressement chez sa cousine Elisabeth. Vous avez d’un côté Marie et sa vie, de l’autre côté sa cousine et sa vie. L’empressement de Marie la fait participer à la vie d’Elisabeth. De la même manière, nous qui vivons sur terre, célébrons Marie qui monte au ciel. Nous avons deux scènes séparées, sur terre et au ciel. Les mots de la liturgie permettent de former une fresque en trois dimensions, un arrière-fond, des couleurs, des sons, un empressement intérieur, une joie qui grandit. Les textes de la célébration du jour nous invitent à participer à la vie de Marie.

L’arrière-plan


Marie monte au ciel, corps et âme. Cela concerne à la fois Marie – la Mère de Dieu – également l’Eglise dans son ensemble, appelée à suivre le Christ et sa mère, ainsi que chacun de nous. Notre avenir est avec eux dans le ciel, à brève échéance, puis avec notre corps qui sera glorifié, à la fin des temps. Ces éléments, de foi, sont le canevas, le motif de fond de la fresque.

La lumière (Ap 11)


« Le sanctuaire de Dieu qui est dans le ciel s’ouvrit, et l’arche de son alliance apparut dans le sanctuaire » Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur sa tête une couronne de douze étoiles ».
La lumière éblouissante nous fait entrer dans la révélation de Dieu : le ciel est ouvert. Dieu est avec nous, c’est le nom Emmanuel. Dieu nous sauve, c’est la signification du nom de Jésus. Dieu se révèle en communion avec nous. L’alliance, la lumière nous renvoie au temps de Moïse, du buisson ardent d’où émane une lumière qui ne le consume pas. Dieu va parler, Dieu arrive, Dieu s’approche. L’arche d’alliance : une caisse en bois, dorée, contenant deux pierres sur lesquelles est écrite la parole de Dieu. La nouvelle arche d’alliance, Marie s’approche. Elle porte la parole vivante, le Christ. Elle porte Dieu fait chair. Et le dialogue s’instaure dans cette lumière.

Les cris, les douleurs d’enfantement, le dragon rouge feu

La seconde vision de l’apocalypse est un peu effrayante. La femme crie, nous entendons les douleurs d’un enfantement, un dragon rouge feu arrive. Nous sommes dans le langage catastrophique, pas mal utilisé de nos jours en lien avec le vaccin pour lutter contre la pandémie. Depuis le jardin de la genèse, le mal se faufile dans nos vies pour les saboter. Cris de douleur des enfants de Bethléem mis à mort, cris de douleurs des mères qui perdent un enfant, cri de douleurs des couples qui se séparent, cris de douleur dans la solitude et la souffrance, cris de douleur au pied de la croix. Et le Christ vient nous sauver. Angoisses, ténèbres, découragement, étoiles et modèles qui s’écroulent, échecs de nos idéaux, mauvaise estime de soi, burnout, pandémie. Nous sommes dans cette atmosphère de fond. Lorsque Dieu s’approche, le dragon est là pour le dévorer dès sa naissance : irrespect de la vie, solitudes, pauvretés, misères, indifférence des frères et sœurs riches qui passent.

Naissance, joie


Après la lumière et les cris, le dragon rouge, vient la naissance, vient la joie, la vie, le salut, l’espérance forte, l’amour : paix, vie, responsabilité, communion d’amour, entraide mutuelle, resserrement des liens familiaux. Nous voyons aussi des dangers dans le don de la vie, comme le dit le texte : l’enfant est enlevé au ciel et la femme s’enfuit au désert. Nous sommes en présence du lent accompagnement de la vie, de la croissance, parfois des étapes difficiles lors de l’adolescence, le départ des enfants de la maison pour mener leur propre vie. Ces différentes colorations viennent de la liturgie et parlent à nos vies.

Le salut

A la fin de la lecture de l’apocalypse, une voix forte proclame : « Maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ ! » La victoire est en route. La liturgie de l’Eglise n’est pas à l’eau de rose, elle prend en compte le combat, les difficultés. Le dragon n’a pas le dernier mot. Il est là, présent, mais ce n’est pas lui que nous sommes invités à fixer.

Dynamisme intérieur : entrainement de l’univers (1 Co 15)

La voix forte qui proclame le salut et la victoire de notre Dieu nous communique un dynamisme intérieur. Elle nous invite à avancer comme Marie avec empressement. C’est le sens de la seconde lecture (1 CO 15) : « le Christ est ressuscité d’entre les morts, lui, premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. » Ce dynamisme intérieur nous prend dans l’aspiration de notre espérance : le ciel c’est pour moi bientôt. Là où est le Christ, là où Marie est arrivée, je suis appelé à y aller aussi (tête et corps de l’Eglise). Et la mort, c’est un peu comme l’ascenseur. On quitte un étage, on ne voit plus rien du tout et l’on change d’étage. En Adam tous les hommes meurent, dans le Christ la vie nous est donnée. Nous sommes invités à voir la mort comme ce passage, cet ascenseur, qui nous fait passer avec empressement de ce monde à la gloire du ciel.

Dynamisme extérieur : route de magnificat

Ce dynamisme intérieur est invité à se refléter dans notre quotidien. C’est toute la démarche de Marie qui va se mettre au service de sa cousine Elisabeth. Lorsque l’on voit quelqu’un qui n’a pas le moral, une petite plaisanterie permet de réveiller la joie. Un coup de téléphone, un service, faire les courses pour quelqu’un… Cet empressement est invité à nous gagner pour que la joie grandisse. Cette joie va transformer notre atmosphère intérieure, comme la flute qui va chanter transporte notre être, le porte plus loin. La beauté nous amène vers l’éternité. Amen.

L’ASSOMPTION DE LA VIERGE MARIE
Lectures bibliques : Apocalypse 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab; Psaume 44,10bc.11.12ab.16; 1 Corinthiens15, 20-27a; Luc 1, 39-56


Eglise de la Dormition, monastère de Ghelati, en Géorgie, fresque du XIIe siècle | © Maurice Page
15 août 2021 | 17:22
Temps de lecture: env. 4 min.
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