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Homélie

Homélie du 17 juin 2018 (Jean 1, 35-42)

Curé Jean Lanoy – Église catholique chrétienne Saint-Germain, Genève

Les textes de ce dimanche que vous venez d’entendre portent notre réflexion sur le thème de l’appel, la mission, voire l’envoi.

Qu’il s’agisse d’appel ou de mission, nous sommes invités à quitter quelque chose, quelque part, pour aller vers autre chose ou ailleurs. Mais qu’est-ce qui nous appelle ?

– dans la Genèse, nous sommes appelés à la foi comme Abraham.

– dans Galates, nous sommes acquittés par la foi comme l’enseigne Paul

– dans l’Évangile, et comme les disciples, nous sommes appelés et envoyés grâce à notre capacité d’interprétation que nous pouvons faire des évènements liés à l’expérience de foi.

J’ai voulu analyser le texte hébreu de la Genèse, le texte grec de Galates et de l’évangile de Jean, pour y trouver des éléments utilisables pour notre réflexion de ce jour.

Une force libératrice

Dans le texte de la Genèse, Abraham est acquitté du lien de sa terre, sa famille et la maison de son père. Il en est libéré pour aller vers une nouvelle vie,  il est donc invité à quitter, dirons-nous dans le langage habituel. Si je joue comme à mon habitude sur les mots, c’est que les mots ont, selon la façon dont on les emploie, une force nouvelle à nous apporter eux aussi, une force libératrice, un caractère d’appel et de mission.

Vous me demanderez à juste titre, pourquoi jouer sur ces verbes de quitter et d’acquitter, c’est le texte de Galates qui m’a mis sur la piste.

Dieu acquitte

Dans Galates, Paul parle de la justification par la foi, mais en cherchant plus loin, j’ai trouvé à la traduction du mot grec dikaioi (δικαιοῖ,) le mot acquitté…le mot acquitté  plutôt que justification. Cela m’a paru très intéressant et surtout plus parlant pour notre époque.

Si je retranscris cette autre traduction, cela donnerai plutôt au verset 8 : L’Écriture l’avait prévu, Dieu acquitte par la foi les nations…

Appel à quitter

Dans l’Évangile de Jean, une question fondamentale est posée à Jésus au verset 38 : « où demeures-tu ? » Il répond au verset 39: « venez et vous verrez ». La démarche qui s’en suit laisse penser que les disciples se mettent en route pour aller quelque part… mais non, il est seulement dit : « ils allèrent donc, ils virent où il demeurait, et il restèrent auprès de lui ce jour-là ».

Là encore se trouve l’idée d’un appel à quitter,  quitter là où l’on se trouve, quitter ce à quoi on appartient, quitter ce qui nous habite et qui nous enferme.

Il s’agit de se libérer… de quitter comme Abraham, de s’acquitter par la foi comme le dit Paul, d’aller voir. Il s’agit d’aller vers du nouveau, d’aller vers de l’inattendu, pour recommencer autrement, pour recommencer une nouvelle vie, pour des découvertes, pour de nouvelles aventures et tout cela porté par la foi qui nous habite.

Dans la Genèse : Dieu appel et envoi : « Le Seigneur dit à Abraham »

Dans Galates : C’est la Sainte Ecriture qui appelle : « l’Ecriture ayant prévu »

Dans l’Evangile de Jean : Jean-Baptiste et Jésus appellent à la conversion et à la mission.

Je voudrais encore vous entretenir d’autre chose que j’ai trouvé dans le texte grec de Jean : Avez-vous noté que par trois fois l’auteur veut nous expliquer les choses et donc, Jean, emploie cette formule trois fois de suite : « ce qui veut dire »…  Veut-il nous faire passer un message ?

Ce : « ce qui veut dire » m’a interpellé et je veux faire le lien avec le thème de ce jour, appel et mission, ou envoi si vous préférez.

En grec, ermeneuòmenon (ἑρμηνευόμενον) 2 fois ou ermeneùetai (ἑρμηνεύεται) 1 fois pourrait se traduire en français par interpréter et nous pourrions alors traduire le grec par : « ce qui s’interprète » et non pas par : « ce qui veut dire ».

Ce petit détail présent dans le texte de Jean, va nous aider à faire le lien avec notre thème de l’appel, de la mission et de l’envoi.

Interpréter : appel et envoi

La possibilité d’interpréter est très mobilisante et très libératrice. Elle contient en elle un appel et un envoi.

Si vous restez enchainés à ce que l’on vous a appris sans prendre de distance, vous risquez de ne jamais vous mettre en route, de ne jamais faire comme Abraham ou les disciples, poser des questions et aller voir.

Ces mots d’interprétations possibles employés 3 fois par Jean nous invitent à voir plus loin, à voir plus en profondeur, à prendre de la distance ou de la hauteur si vous préférez.

Je vais prendre un exemple : vous avez entendu qu’à la fin du texte de Jean, Jésus appelle Simon Képhas c’est un mot araméen, qui s’interprète pierre, petros en grec.

Bien sûr, nous pensons tous à Pierre, le prénom. Mais il s’agit en réalité de quelque chose de plus subtil. C’est comme un surnom que Jésus donne à Simon. Un surnom qui le qualifie comme on pourrait le faire entre nous, en nous donnant des surnoms sympathiques.

Simon avait beaucoup de difficultés à comprendre et surtout à accepter ce que révélait Jésus, alors se faire appeler caillou ou rocher, ou rocaille n’est pas très gracieux certes, mais cela cerne sa personnalité. Dois-je faire appel à la parabole du semeur pour vous rappeler que le bon grain peine à pousser dans les cailloux ? Chaque texte en évoque un autre, c’est ainsi qu’est rédigée la Sainte Ecriture.

Simon sera donc appelé du surnom qui va l’identifier dans toute son aventure d’appelé et d’envoyé. De là à le percevoir comme le rocher sur lequel s’appuyer, c’est une erreur à ne pas commettre car attention, le rocher ou le caillou n’est pas la montagne !

Je vous ai pris cet exemple pour vous inviter à oser interpréter quand vous lisez l’Ecriture sainte, quand vous faites une relecture de votre vie ou des informations du monde qui viennent à vous.

Cette capacité d’interprétation vous rendra libre d’aller, libre de dire et vous donnera de vous sentir acquitté, appelé et envoyé. Vous vous sentirez vraiment acquitté par la foi comme cela est annoncé aux Galates.

 C’est une opération de chaque jour, car les liens de la terre, de la famille, et de la nation sont forts.

Dieu, par la sainte Ecriture, nous appelle et nous envoie dès lors que nous aurons quitté les liens qui nous tiennent si forts.

La foi acquitte et transforme les personnes et les situations.

C’est un appel et c’est une mission présents dans ces textes, pour nous et autour de nous. Amen


4ème dimanche après Pentecôte

Lectures bibliques : Genèse 12, 1-3; Galates 3, 6-9; Jean 1, 35-42


 

 

 

 

 

 

 

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17 juin 2018 | 09:35
Temps de lecture: env. 4 min.
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