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Homélie

Homélie du 29 avril 2018 (Jn 15, 1-8)

Abbé Michel Schoeni – Basilique Notre-Dame, Lausanne

Vous arrive-t-il de vous promener dans les vignes ? Alors, vous avez pu constater que c’est durant toute l’année, en toute saison, que les vignerons s’affairent dans leur domaine. Il faut sarcler, ratisser, enlever les pierres, répandre le fumier, puis tailler, sulfater, effeuiller…  La vigne est exigeante, et malgré les moyens mécaniques, elle requiert un travail harassant qui, si la grêle ne s’en mêle pas, ni les maladies, aboutira à la vendange tant attendue, tant préparée.

Jésus a bien observé le travail des vignerons de son temps. Il a remarqué comment on enlève les sarments qui ne donneront rien, et que l’on appelle des gourmands, parce qu’ils pompent la sève en vain. Ceux-là, les vignerons les enlèvent et ils alimenteront bientôt le feu.

Quant aux autres, les bons sarments, le vigneron en prend un soin jaloux : il les taille, les attache, afin que les feuilles puissent s’y mettre, puis la fleur, et enfin les fruits.

Le Père : un bon vigneron

A travers toute la Bible, le peuple de Dieu, celui de l’ancien testament, est comparée à une vigne, la Vigne de Dieu lui-même, son domaine préféré. Pour Jésus aussi, nous sommes, nous les baptisés, la Vigne de Dieu son Père. C’est pourquoi le Père, comme un bon vigneron, travaille sans cesse cette vigne par le don de son Esprit.  Il y a parmi le peuple de Dieu des sarments improductifs. Espérons ne pas en être ! Et il y a les bons, ceux qui sont appelés à porter du fruit. Espérons en être !

Attachés à Jésus

Jésus énonce une évidence : il ne peut pas y avoir de sarments fructueux s’ils ne sont pas fermement attachés au cep ! Ainsi pour nous, ses fidèles, il n’est pas possible de porter du fruit sans demeurer fermement attachés à la vraie Vigne, c’est-à-dire à Jésus.

Vous avez entendu : Jésus utilise 8 fois le terme « demeurer » dans le passage de l’évangile de Jean que nous venons d’entendre. C’est dire s’il y tient ! Demeurer, c’est rester là, habiter, habiter le Christ, en faire notre demeure, comme on fait sa demeure de sa maison ou de son appartement. Et la merveille, c’est que si l’on prend le Christ comme demeure, lui-même demeure en nous ! Or, ceux qui demeurent en lui et en qui il demeure, ceux-là seuls portent du fruit.

Revêtu du Christ

Saint Paul emploie une autre expression pour désigner les croyants : « Ceux qui ont été baptisés ont revêtu le Christ ». Etre baptisés, faire partie du peuple croyant, c’est avoir revêtu, par-dessus le vêtement ordinaire de notre vie, le Christ, comme un nouveau vêtement.

Demeurer dans le Christ, être revêtu du Christ, c’est orienter toute notre pensée, toutes nos décisions, tout notre agir vers lui et, pour cela, rester en contact vivant avec lui.

Un homme d’affaires, qui se veut un bon pratiquant, me disait un jour : « Le dimanche, c’est le tiroir de Dieu, ça lui est consacré. Les autres jours, c’est le tiroir business ».

Tous les domaines de la vie sont concernés

Or, Jésus nous dit : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ». Dans nos vies, n’en déplaise à ce respectable Monsieur, le tiroir du Christ doit rester ouvert, même les jours de business. Le vêtement du Christ, ce n’est pas un habit du dimanche, c’est tous les jours qu’il nous faut le porter ! Est-il juste que, dans tout ce qui concerne la vie personnelle, la vie de famille, le travail, le business comme il dit, nous agissions comme sans Dieu et même en mettant de côté notre foi ? Etre attachés au Christ, c’est tout le temps, dans tous les domaines de la vie.

Nous allons célébrer, dans deux jours, et partout dans le monde, la fête du travail que nous, catholiques, nous mettons sous le patronage de saint Joseph, travailleur. N’est-ce pas justement dans le monde du travail que les chrétiens doivent non seulement rester fermement attachés au Christ, mais aussi le montrer, le faire apparaître en eux, par leurs comportements et par leur agir ?

Un fruit d’amour

Le fruit qu’attend le Grand Vigneron, c’est un fruit d’amour. En toute chose, il nous demande d’aimer, de l’aimer lui en aimant notre prochain. D’aimer en famille, d’aimer au travail, au business, d’aimer en voyage, d’aimer pendant nos loisirs, d’aimer quand je pratique un sport, d’aimer, aussi, à l’église ! Il n’y a aucun moment où nous avons le droit de refermer le « tiroir » du Christ pour vivre sans lui : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire » !

Humaniser le monde du travail

Le monde du travail attend des chrétiens qu’ils l’humanisent, qu’ils se battent pour mettre en avant la personne humaine. L’hyper-rentabilité, d’autres s’en occupent ! Et les chantiers sont immenses : la plaie du chômage, l’injustice de salaires trop bas pour vivre dignement, malgré le travail, l’inégalité des salaires entre hommes et femmes encore pas atteinte alors qu’elle est une loi votée il y a des années, le scandale de rémunérations pharaoniques pour quelques décideurs, et j’en passe !

Le Christ, fermement attaché à son Père, avec qui il n’a cessé d’être en communion d’amour, a donné tout son fruit : la veille de sa Passion, montrant une coupe où était versé le fruit de la vigne, il a dit : « C’est mon sang, qui est pour vous ». Et au pressoir de la croix, il a laissé s’échapper de son corps du sang et de l’eau, en pure offrande d’amour. Si nous répondons « oui » à son invitation de chaque dimanche, il nous  baigne dans le sang de son amour, il nous fait demeurer en lui et il demeure en nous. Et alors, tout devient possible.

Ainsi attachés au Christ, et donc en mesure de produire de bons fruits,  s’alimenter à sa sève chaque jour, se mettre chaque jour à son écoute dans un temps de vrai silence, ne rien décider sans le consulter – sans moi, vous ne pouvez rien faire – lui qui est vivant en moi, alors, nous devenons capables de faire que chaque instant de notre vie, que chaque activité de notre vie, soit un fruit d’amour offert aux autres, pour la gloire du Père.

Une étiquette de bouteille de vin, sur laquelle est gravé un vigneron à son pressoir, affiche ces mots : « Fais bien ton vin, tout le reste est vain ». Sur la bouteille qui doit contenir le fruit que Jésus nous demande, à nous ses sarments, il est écrit : «Fais tout par amour, et tout sera bon pour toi, toujours ».

Amen. Alléluia !


5e dimanche de PâquesAnnée B

Lectures bibliques : Actes 9, 26-31; Psaume 21 (22), 26b-27, 28-29, 31-32; 1 Jean 3, 18-24; Jean 15, 1-8


Photo: evangile-et-peinture.org
29 avril 2018 | 09:11
Temps de lecture: env. 4 min.
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